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Réaction de l’Occupant au Fort l’Ecluse et Belllegarde

Bellegarde, le 8 juin.

Les Allemands assiégés dans leur cantonnement de l’hôtel des Touristes tirent quelques coups de feu mais sont rapidement calmés par deux grenades Gammont lancées depuis la gare par CHEVALLIER, pendant qu’ACCIARI les arrose au FM depuis le jardinet du buffet de la gare.

C’est à Vanchy que se produit le premier choc vers 17H.
Francis DESSAYMOZ témoigne: le groupe de l’A.S. de Bellegarde, chargé de défendre la route au dessus du pont du Nambin est mis en difficulté faute d’un armement efficace. Les deux frères ZANARELLI et CHAPPAZ meurent en combattant tandis que Joseph VIVIAND et Arthur SOGNO seront blessés. VIVIANT pourra être évacué à Cherbois et soigné par Mme SERNAGLIA. Arthur SOGNO, blessé à un pied, est capturé par les Allemands. Fait exceptionnel, il ne sera pas abattu mais déporté au camp du STRUTHOF puis à ALLACH en tant que N.N. (matricule 24039). Il rentrera.

Le combat continue dans la nuit qui s’achève. A 4 heures du matin le 9, les Allemands reçoivent des renforts qui tentent de progresser par-dessus le tunnel du Credo.

A 6 heures, une soixantaine d’Allemands débouche du tunnel du Credo. Une équipe de poseurs qui déboulonnaient la voie sous la protection de trois mitraillettes se replie. Mais ROUX, l’un des poseurs, est tué. Plus tard et pour éviter le renouvellement de cette infiltration, le tunnel du Credo sera obstrué par une rame de wagons qu’on y fera dérailler. Lentement, en tiraillant, les Allemands s’infiltrent dans la ville. Devant leur supériorité en armement, les forces de la résistance se retirent en bon ordre espérant également éviter des représailles sur la population non combattante.

Toujours le 8 juin à l’aube, un autre renfort allemand venant de Seyssel se heurte au groupe GRUBIN-GUERITCH qui défend le pont de la Dorche. Les Allemands se retirent après une journée de vif engagement mais GUERITCH et PORTIER ont trouvé la mort.

Pendant ce temps, les groupes se reforment et se rassemblent aux environs de la ville de Bellegarde sans être poursuivis. Toute la journée des patrouilles circulent, des coups de feu isolés claquent. Pour l’instant les civils ne sont pas inquiétés. La garnison allemande renforce ses retranchements de l’hôtel Terminus. Puis, dans la nuit du 9 au 10, elle quitte soudainement la ville, craignant sans doute une contre-attaque.

Samedi 10 juin, un jour nouveau se lève et les habitants n’osent en croire leurs yeux et leurs oreilles. A midi, deux camions de résistants font leur entrée dans la ville, conduits par MONVAL. Le colonel ROMANS-PETIT, chef militaire départemental, arrive dans la soirée et la population massée devant le monument aux morts applaudit son allocution. Le P.C. s’installe à l’Hôtel de Ville et M. BATON, l’un des dirigeants civils de la résistance bellegardienne, prend la tête du comité de libération, c’est-à-dire devient le Maire d’un Conseil Municipal provisoire qui prend la place de la délégation spéciale mis en place par le gouvernement de Vichy pendant l’occupation.

Les chefs de trentaine EON et BARBIER occupent le Fort-l’Ecluse vers 17 heures. Eon commande le fort supérieur, Barbier le fort inférieur. Le groupe FRANCOIS verrouille la vallée de la Valserine sous le col de la Faucille.

Le secteur Cristal 4 est devenu un réduit montagnard que les Allemands, réorganisés après leurs premiers insuccès, vont s’acharner à reconquérir car la situation géographique de la ville, carrefour routier et ferré, est déterminante.

La contre-attaque contre le Fort-l’Ecluse le dimanche 11 juin est repoussée malgré l’arrivée en renfort, du côté allemand, d’un groupe de miliciens et les tirs des canons installés sur le Vuache. On a cité alors l’efficacité exceptionnelle de RUGGERI et AMAR, tireurs aux F.M. et bazookas. Le sous-lieutenant de réserve Louis JACQUET, accompagné de CATIN et ABBIATI, vient assister les cadres de l’A.S.. En même temps les allemands attaquent depuis la Savoie. Le groupe CHARLES, la Compagnie Louis (Oyonnax) et quelques hommes de l’A. S. de Bellegarde contre-attaquent et occupent Eloise dans la nuit. Victor BRIQUE de l’A.S. de la Semine et 2 civils sont tués. Mais le lendemain, lundi 12 juin, protégés par le brouillard et un tir d’artillerie, les Allemands réussissent à contourner le fort par la voie du chemin de fer et déferlent sur Longeray qui est mis à sac. Les maquisards n’ont plus de munitions, ni de vivres depuis la veille.

Le Fort-l’Ecluse contourné, sa défense devient inutile, il faut l’évacuer. Cela se fera par le fort supérieur et la montagne jusqu’au Sorgia.

Les Allemands occupent Longeray où ils se livrent au pillage est abattent trois personnes. Le camp JO, monté en renfort devant le Fort l’Ecluse, subira un assaut sévère en avant de Longeray, laissant quatre morts et cinq prisonniers. Plusieurs blessés sont évacués sur Bellegarde.

Le lendemain mardi 13 juin, les combats font rage sur les pentes du Credo. Les camps TONY, PAULY et MICHEL des maquis du Haut-Jura sont venus en renfort. Les pertes sont importantes, dont le lieutenant PAULY. L’A.S. de Bellegarde, toujours sous le commandement de JACQUET, se porte en barrage à Grésin mais est contournée par le Credo. De retour à Bellegarde, après un repli difficile, le groupe se reforme et prend position à Bellevue avec pour mission de tenir pour permettre l’évacuation de la ville. Le groupe ROLAND est installé au-dessus de Ballon, à « La Forêt » et son P.C. est au café URPIN à Ballon. Le soir, il lui faudra se replier. Fait exceptionnel, on signale que quelques maquisards ont été faits prisonniers mais envoyés en déportation au lieu d’être abattus comme c’était l’usage. Le soir, l’écho de tirs se rapproche, le chargeur d’un des F.M. s’effondre, une balle en pleine poitrine, il meurt durant son évacuation. Le feu est déclenché sur le point d’où est parti le tir.

Le lendemain 14 juin, l’A.S. d’Eloise, compagnie des «Sans Pardon» affrontait les Allemands. Prévenus qu’une colonne allemande de 5 véhicules montait en direction de Bellegarde, venant du pont Carnot en contournant le Vuache, les résistants avaient reçu pour mission de protéger Bellegarde. Huit hommes seulement, armés de 2 FM, s’embusquent près de la Croisée des routes. Surpris par un feu intense, les cinq véhicules sont bloqués. Les victimes semblent nombreuses chez l’ennemi qui ne parvient pas à se dégager. Mais ce que les maquisards ne savent pas, c’est que ce groupe n’est que l’avant-garde et que, hors de portée de vue, vingt autres véhicules sont arrêtés. Les Allemands vont effectuer par Eloise et Clarafond un mouvement tournant pour surprendre les maquisards par derrière. Les F.F.I. réussissent un repli difficile en direction de Bellegarde en utilisant le fossé de la route, juste assez tôt pour échapper, à l’encerclement. La situation devient délicate pour les « sans pardon », Louis DUCENTI, Gaston NINET et Camille TOMASI furent tués.

Le même jour, le camp JO est appelé en renfort à Bellegarde, se positionne à Fort- L’Écluse, et se porte au soutien des camps Michel et Daty qui combattent à Éloïse. Le camp rejoint Coiselet après la chute de Bellegarde.

Le Lieutenant MONTREAL, depuis Bellegarde, envoie le camp CHARLES pour soutenir l’A.S. d’Eloise. Pendant la journée du 14, une rude bataille se développe sur le plateau de la Semine. Les F.F.I. résistent toute la journée mais perdent deux hommes et comptent une vingtaine de blessés. Les Allemands son déchaînés. Ils incendient trois maisons et assassinent quatre personnes : Joseph DUPRAZ, ZANARDI père et fils et Madame PERRIER ; Ils ont mis en batterie une pièce d’artillerie. Une ferme, touchée par un obus incendiaire est en flammes. Un nouveau renfort arrive de Bellegarde. C’est le camp JO qui vient au combat malgré les pertes qu’il a subies devant le Fort-l’Ecluse. Deux sections du camp Daty livrent de durs combats sur le plateau d’Eloise au coté du camp Charles. Robert Durand, Bebs est tué. La situation est devenue intenable et le retrait sur Bellegarde est décidé.

Les combattants repassent le pont provisoire sur le Rhône en fin d’après-midi et incendient le tablier afin de gêner une éventuelle poursuite des Allemands. Là, le colonel ROMANS en personne les accueille et les félicite pour leur courageuse défense.

La colonne allemande se retirait et le soir même le pont provisoire près de la papeterie à Bellegarde était détruit par l’A. S. par mesure de sécurité. Il semblerait que cette colonne allemande à vocation répressive, composée d’éléments cosmopolites, soit celle dont les exactions ensanglantèrent le Haut-Jura à la fin du mois d’Août.

A Bellegarde, toute résistance est devenue inutile. Bellegarde est de nouveau occupée. Les Allemands fouillent les maisons et pillent. Une rafle regroupe sur la place Carnot un grand nombre de Bellegardiens pris en otages. On peut craindre le pire. Heureusement, il n’y aura pas de représailles massives.

Faut-il  voir, dit le Colonel Romand dans son livre « les Obstinés », le résultat de l’affiche que nous avions fait apposer dans toute la ville une heure avant notre départ. Nous y laissions supposer d’une part que la population nous faisait grise mine et d’autre part nous adressions à nos ennemis un avertissement. D’ailleurs, le voici :

“Habitants,

Les mesures que nous avons prises ont toujours été supportées par vous calmement et nous espérions arriver à vous convaincre que nous servions vos intérêts.
Depuis quatre jours, nous avons repoussé toutes les attaques, mais aujourd’hui je donne l’ordre de repli sur les hauteurs environnantes.
Restez dignes.
Et dites-vous bien que si l’ennemi méprisait les lois de la guerre, usait de représailles à votre égard, nous fusillerons immédiatement les prisonniers allemands que nous détenons.
Mais je veux croire que notre attitude sera comprise.
Nous, nous continuons la lutte pour vous libérer, libérer la France. »

Le 14 juin 1944, Romans, chef départemental FFI de l’AIN “.

De nouveau maîtresses de Bellegarde, les troupes d’occupation instaurent le système de terreur qui devait leur assurer, croient-elles, la neutralité de la population. Le couvre-feu est établi de 20heures à 6 heures du matin. C’est-à-dire qu’on tire à vue, sans sommation, sur toute personne circulant dans la rue pendant cette tranche horaire. Les MAIRES de Bellegarde, Arlod et Coupy sont mis en demeure de placarder dans toute l’agglomération l’affiche suivante: en attente.

Les F.F.I. ayant évacué  Bellegarde (A.S. et autres), cantonnent au Poizat, ainsi se constitue la Compagnie du Poizat.

Témoignage de M. AGOSTINETTO sur la rafle du 14 juin 1944

Témoignage de Camille ROMANS, habitant de Vanchy. (Résumé d’un enregistrement sur cassette)

Le martyre de Marthe PERRIN