Menu Fermer

Défilé du Maquis à Oyonnax

L’événement fondateur

L’événement fondateur de la création des Maquis de l’Ain de Romans-Petit est le “banquet” organisé à la ferme de Terment, le 14 juillet 1943. [voir carte]

 Une cinquantaine de personnes participe: les réfractaires de Jean Vaudan “Verduraz” cantonnés à la ferme de Bassan et de Pierre Marcault “Marco”, installés à la ferme de Gorges à Montgriffon.

Deux invités de marque, représentant l’Etat Major régional, sont présents Lucien Bonnet “Dunoir”, Sous-régional Maquis, et René Bousquet “Chabert”. Ce banquet est la première action de communication de Romans-Petit.

Il ne reste que quatre mois avant le défilé du 11 novembre 1943.
Durant cette période Romans va réussir :

  • à prendre le contrôle des différents camps de réfractaires qui au printemps 1943, s’étaient créés spontanément,  soutenus par des résistants locaux regroupés en Armée Secrète (A.S.),
  • à trouver des militaires d’active pour les encadrer,
  • à les habiller et les nourrir grâce à des coups de main sur les Chantiers de Jeunesse et autres structures.

Reste à donner une belle image de ces “Maquisards” à la population. Romans-Petit est encore dans le “marketing”: il vient de bien vendre ses Maquis, à l’Etat major régional, puis à Heslop du S.O.E. lors de l’opération “Musc”; là, il veut les jeter à la face de la France et au de-là.

La Décision

Le Comité directeur des M.U.R. (Mouvement Unifié de la Résistance) envoie le message d’organiser, dans toutes les communes, une manifestation le 11 novembre 1943 avec dépôt de gerbe  au monument aux morts portant mention: “les Vainqueurs de demain à ceux de 14-18”.
Pendant ce temps d’autres villes manifestent dans l’Ain. (cf. Rapport des R.G.)

Les autorités françaises ont interdit toute commémoration du 25ème anniversaire de la victoire contre l’Allemagne.

Romans va, comme le M.U.R. départemental, encourager cette action auprès des différentes A.S. locales, tout en préparant secrètement un défilé de Maquisards, de “soldats” en armes. Il ne prévient le comité départemental que la veille et sans préciser le lieu de ses intentions.
Sa volonté est de montrer que les maquisards sont des soldats français et non pas des terroristes, composés de métèques, juifs, bolchéviques et autres, comme le proclame la propagande de Vichy.

L’ Organisation

Vidéo : “Les préparatifs” [1’53”] 

Le 7 novembre, une première réunion au P.C. de Granges dans la  maison des parents Jeanjacquot, réunit autour de Romans, Henri Girousse “Chabot”, Noël Perrottot “Montréal”, Elie Deschamps “Ravignan”, professeur de mathématiques à L’École Pratique d’Oyonnax. Ils mettent au point cette manifestation.
Oyonnax est choisi car :

  • aucune troupe ne cantonne à Oyonnax, seul un effectif réduit d’Allemands occupe le carrefour de  La Cluse, à  l’hôtel Vuaillat, distant de 14 km,
  • la Résistance y est fortement implantée, avec comme chef de l’A.S. Raymond Bourdet, receveur de Postes et Gabriel Jeanjacquot ” Gaby”, responsable du groupe franc.
  • Oyonnax est une ville à 6 issues, autant d’échappatoires en cas de “coup dur”.

Une dernière réunion se tient le 9 novembre au 10 rue de la Paix, à Oyonnax chez Jeanjacquot “Gaby”.
C’est la dernière de trois, Romans, les lieutenants Henri Girousse “chabot” et Edouard Bourret “Brun” accueillent le commissaire de police d’Oyonnax Maurice Thévenon; ensemble ils peaufinent les derniers détails: itinéraire, horaire, protection…..

Les rôles sont attribués :

  • à des éléments de la brigade de gendarmerie de Nantua la surveillance discrète du croisement de la RN 84 avec la route Le Poizat- Charix, à hauteur de Moulin de Charix,
  • à une équipe d’Edouard Bourret “Brun” du camp de Granges, la neutralisation de la ville: poste, gendarmerie, mairie,
  • aux maquisards sélectionnés dans les camps de Cize, Granges et Chougeat aux ordres respectivement de Charles Blétel “Charles”, Georges Béna “Michel”, et Hyvernat “Commis”, le contrôle des accès routiers,
  • à Eugène Barbe et son groupe franc A.S. d’Oyonnax, la surveillance en ville des collaborateurs notoires.

Le défilé doit se former Place de la Poste, emprunter à gauche la rue du Maréchal Pétain sur 200m, accéder à la place du Monument en empruntant la rue Brunet. Là, se dresse la statue du “Vieux François” à la gloire de la victoire de 1870. Oyonnax a échappé dans les années 20 à la vague d’érections de monuments à la gloire des poilus de 14/18. Seule une dizaine de personnes est tenue dans la confidence.

L’organisation proprement dite du défilé est confiée aux lieutenants Girousse “Chabot” chef du groupement Sud et Jean-Pierre de Lassus Saint-Geniès, chef du camp de Pré-Carré. Ils ont la charge de préparer trois sections de 40 hommes.

Pierre Marcault “Marco” du camp de Morez sélectionne 84 hommes, pratiquement tout son camp, 34 sont choisis par Jean Vaudan “Verduraz” dans son camp à la ferme de Bassan. Le père Sartory, 16 ans de Légion, entraîne tous ces hommes à marcher au pas, en colonnes par 3 sur un terrain très accidenté ! Une première expérience pour ces jeunes adolescents il y a peu. Le film du défilé montrera que techniquement, il ne fut pas parfait !

L’ Itinéraire  [voir la carte]

La majeure partie des effectifs est fournie par le camp de la Ferme de Morez de Pierre Marcault “Marco”; lors de toutes ses actions à distance, ces hommes retrouvent le Groupe Transport à la Croix, prés du Petit-Abergement.
Les camions rejoignent le point de rendez-vous (au Nord du Grand Abergement au carrefour des D31 et D35 actuelles), où les attendent déjà Henri Girousse, “Chabot” arrivé en voiture, Verduraz et ses hommes venus du camp de la ferme de Bassan.
Vidéo : “Le rendez-vous” [1’10”]  

Chabot coiffé de son képi d’officier de tirailleur marocain, allume une cigarette. Le convoi s’ébranle à 9 heures, il est composé de 7 camions et de la voiture de “Chabot” et prend la direction du Poizat par le col de Bérentin.

Le convoi est constitué de la “Maquisette”, premier véhicule du maquis, confié par le Père Bernard, de la Trappe des Dombes, et 6 camions à essence de l’armée d’armistice, entreposés au par avant sur cales au dépôt des Transports de l’Ain, subtilisés peu avant à Tenay, (toujours avec leur immatriculation militaire et leur bâche kaki). Ils sont remis en état de marche par le Groupe Transport d’Octave Tardy et Jean Miguet. La veille, 200 litres d’essence avaient été dérobés sur un camion du Ravitaillement Général à Saint-Rambert.
Ce Groupe Transport ou “Garage” a pris ses quartiers à Heyriat commune de Sonthonax, à la fin de l’été 43.

L’uniforme” est composé d’habits subtilisés au Chantier de Jeunesse d’Artemare le 10 septembre 1943: béret, blouson brun ajusté, en cuir et pantalon vert foncé. Seules les chaussures restent quelque peu disparates. Les bandes molletières sont dures à maintenir fixées.

A la Manche, une erreur de direction met en retard l’équipée. Le convoi poursuit sa route vers Le Poizat, puis Lalleyriat, où là, il prend la direction du Moulin de Charix. Il croise la Nationale 84.

Les photos prises au long de l’itinénéraire sont de Pierre Marcault “Marco”.

Quelques gendarmes de la brigade de Nantua surveillent discrètement à distance le carrefour.
Entre Charix et Apremont, Romans accompagné de Henri Jaboulay “Belleroche”, Lucien Bonnet “Dunoir” et Charles Mohler “Duvernois” de l’Etat major régional, attend le convoi qui a pris du retard du à des erreurs d’itinéraire mais aussi à un gicleur récalcitrant d’un des camions..

Vidéo : “Dernière halte” [1′]

Marc Jaboulay, fils d’Henri est présent, il prend les 2 premiers plans du film d’une minute qu’il va tourner du défilé: la première neige est tombée, mais le temps est beau; le convoi repart, la Maquisette ferme la marche, elle transporte le groupe franc de protection, la garde du drapeau et la clique. Marc Jaboulay saute dedans au dernier moment.

C’est la descente sur Geilles puis Oyonnax, les camions atteignent le centre ville par la route d’Echallon. Le convoi éclate alors, chaque camion rejoint son lieu de stationnement prévu. Les maquisards doivent se rassembler Place de la Poste.

“Romans” a pris un peu de retard, à l’entrée de ville Route d’Echallon, Pierre Chassé “Ludo” lui remet une gerbe en forme de Croix de Lorraine, que lui a remise Renée Augée, agent de liaison.

Le Défilé  [voir la carte]

Liste des Maquisards

Les photos :

La ville a été préparée, les 2 nuits précédentes des tracts annonçant un événement le 11 novembre à 11 heures sans autres précisions, ont inondé les rues. Le matin du 11, l’électricité est coupée, comme le téléphone.

Les équipes de protection d’Edouard Bourret “Brun” venus des camps de Cize, de Granges et de Chougeat, assurent le contrôle de la Poste, de la Mairie, de la gendarmerie (Ils font semblant pour donner le change à cette brigade favorable à la Résistance). D’autres maquisards issus des mêmes camps, contrôlent les entrées de la ville, sous les ordres de Charles Blétel “Charles”, Georges Béna “Michel” et Hyvernat “Commis”.

Vidéo: “ils défilent” [1′]

Il est midi, Romans appelle: ” Maquis de l’Ain à mon commandement”, le clairon sonne la garde. Le défilé démarre en tête Romans-Petit, en uniforme de capitaine d’aviation, médailles épinglées, à ses cotés le capitaine Jaboulay, puis les lieutenants de l’État-major régional Möhler et Bonnet. Ils remontent la rue du Maréchal Pétain (Grande Rue actuelle) et tournant à droite empruntent le rue Brunet. Derrière les officiels, suit le porte drapeau tricolore Raymond Mulard (Croix de Guerre de 1940), escorté de sa garde composée de 5 hommes gantés de blanc (empruntés à de jeunes mariés de Ruffieu), 2 l’encadrent, 3 suivent.
La clique marche derrière, deux clairons dont Marcel Lugand encadrent Stéphane Vighetti, qui marque le pas au tambour. En tête de la 1ère section, issue du camp de Morez, emmenée par Jean-Pierre De Lassus Saint-Geniès, en tenue de Lieutenant d’infanterie, Julien Roche porte la gerbe en forme de Croix de Lorraine, encadré par son frère Marius et de René Escoffier.

Suit la 2nde section, issue aussi du camp de Morez, elle est sous les ordres de son chef Pierre Marcault “Marco”. Il vient d’être nommé sous-lieutenant par Romans, et porte un uniforme prêté par De Lassus. Henri Girousse “Chabot”, en tenue de lieutenant du 4ème régiment de tirailleurs marocains, emmène la 3ème section, issue du camp de Corlier, son chef Jean Vaudan “Verduraz” promu aussi sous-lieutenant, marche en serre-file. Sept espagnols font partie de cette 3ème section.

De Lassus le bras levé, harangue la population présente qui s’interroge: “Allons le peuple, gueulez, mais gueulez donc”. Les applaudissements discrets d’abord, s’intensifient et se propagent le long des trottoirs.

Au pied du “Vieux François” Romans, entouré des membres de l’État major régional, dépose la gerbe et le petit panneau portant la mention: “Les vainqueurs de demain à ceux de 14-18”. La clique sonne “aux Morts”, cette sonnerie et suivie d’une minute de silence. Romans entonne “La Marseillaise”, reprise par les maquisards, puis le public. Le défilé se reforme et retourne Place de la Poste en chantant “Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine”. La foule est exubérante et les maquisards peinent à échapper aux étreintes, aux cadeaux et à remonter dans les camions.

Vidéo : “La dislocation” [0’40”]

Le convoi reformé quitte Oyonnax passe par la Cluse . Là à La Cluse, les hommes des camps de Cize, Granges et Chougeat ayant assuré la protection du défilé rejoignent leur base en prenant la route de Nurieux. Les autres par une voie évitant le carrefour et la “Kommandantur” empruntent la RN 84, il la quitte à Saint-Martin du Fresnes et éclate : chacun retournant à son camp (Corlier et Morez).

Retentissement

Les journaux clandestins Combat, Franc-Tireur et  Bir-Hakeim publient l’information.
La Résistance édite un faux Nouvelliste:le 31 décembre 1943, il est tiré à 30.000 exemplaires et distribué dans les kiosques et chez les marchands de journaux  de Lyon par des Groupes Francs de la Résistance lyonnaise, entre 5 et 7 heures du matin.
« Le soir du 11 novem­bre 1943, de retour du défilé patrio­ti­que des Maquis de l’Ain à Oyonnax , Charles Möhler se retrouve (en raison du couvre-feu) avec son adjoint, Lucien Bonnet, au domi­cile d’Henri Jaboulay, chef régio­nal Maquis. Alors qu’ils écoutent tous trois la radio de Londres, ils appren­nent qu’une fausse édition du jour­nal bruxel­lois Soir a été dif­fu­sée en Belgique par des résis­tants belges. Après dis­cus­sion, ils pro­jet­tent ensem­ble de réa­li­ser quel­que chose d’ana­lo­gue à Lyon, en vue de faire connaî­tre au plus large public les actions de la Résistance. Charles Möhler sug­gère de s’en pren­dre au Nouvelliste, jour­nal ouver­te­ment col­la­bo­ra­tion­niste ».

Des hommes conduisant des camionnettes, disant agir au nom de la cen­sure et du contrôle de la presse, remplacent au petit matin du 31 décem­bre 1943, les paquets du Nouvelliste du jour par des paquets d’un Nouvelliste clan­des­tin atta­quant vio­lem­ment les Allemands nazis et les col­la­bo­ra­tion­nis­tes fran­çais.
À la faveur de la nuit, trente mille de ces jour­naux sont vendus dans dif­fé­rents quar­tiers. Ce jour­nal clan­des­tin publie la note sui­vante :« Ce numéro excep­tion­nel du Nouvelliste a été entiè­re­ment réa­lisé par les Mouvements Unis de la Résistance (M.U.R.) et mis en vente par eux malgré la  Gestapo et la police vichys­soise, à titre de sanc­tion contre la direc­tion col­la­bo­ra­tion­niste de ce jour­nal. »

Le 9 février 1944, l’émission à la B.B.C., « Les Français parlent au Français » rend compte de l’événement à 21 h 45.