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Réaction occupant Bellegarde Agostinetto

« Voilà comment j’ai vu et vécu les moments de la rafle du 14 juin 1944 :  Dans la matinée, des contingents de soldats allemands ont pris possession de Bellegarde et les arrestations ont commencé.

Au début de l’après-midi, deux soldats allemands sont entrés dans mon appartement et ont fouillé les lieux ; dans un placard, ils ont trouvé deux paquets de tabac qu’ils se sont appropriés tout en étant très corrects. Ils m’ont emmené et je me suis trouvé sur la place Carnot, derrière le monument aux morts où déjà se trouvait un important rassemblement qui ne cessait d’augmenter. La place, creusée de tranchées qui devaient être utilisées en cas de bombardement, était cernée par un important cordon de soldats armés de fusils mitrailleurs ; de temps en temps ils poussaient un hurlement contre des habitants de Bellegarde massés sur les trottoirs, ou contre nous. Au pied d’un platane était assis notre ami Baton, très malade, responsable du parti socialiste, donc dangereux à fréquenter (Pinard ayant été assassiné auparavant). Seul son ami Léon Lyasse lui tenait compagnie. En fin d’après-midi on nous a fait entrer dans la cour de l’école des garçons. Les bruits courraient que nous allions être chargés dans des wagons. La cour était pleine ; pour la nuit, nous avons été mis dans les classes. Dans la matinée suivante et à midi, nous avons eu une distribution de nourriture dans le hall d’entrée. Pas de surveillance sauf une sentinelle qui se tenait à la sortie sur le perron. ARCIER, qui apporte le ravitaillement, me fait un signe et avec lui je prends un des côtés de l’emballage vide et me dirige vers la sortie. Mais la personne « charitable» qui dirigeait l’opération de ravitaillement me fait remarquer que je ne suis pas à ma place et me prie de retourner d’où je venais. Ce qui a empêché notre embarquement, c’est que toutes les voies qui entourent Bellegarde étaient coupées. Enfin, dans l’après-midi, nous avons été libérés, après que les Allemands eurent établi un état de tous les prisonniers au fur et à mesure de notre sortie. Une liste fut ensuite faite d’une vingtaine de personnes devant être fusillées si le maquis revenait à Bellegarde. J’ai eu entre les mains une copie de cette liste ; j’y figurais ainsi que les personnes sorties en même temps que moi. Les Allemands y avaient ajouté le chef de la gare de Bellegarde et le directeur du cinéma ».