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Commune de Nantua

Site de la commune: www.nantua.fr

Vidéo : 40ème anniversaire

Ces pages sont extraites de la plaquette oeuvre d’un collectif et rédigée par Mme Paulette Mercier. Elle est intitulée: “…de la défaite à la Victoire au pays d’Alphonse Baudin”, éditée le 20 mai 1947.
D’autres témoignages les accompagnent. 

1940

“…. A Nantua, le jour du terrible armistice, un même élan portait tous les habitants de la ville, au pied du Monument aux Morts. Nous étions tout proches les uns des autres, le même sentiment de détresse nous accablait : notre Patrie était blessée, humiliée ; elle était notre mère et nous nous sentions encore frère. Mais hélas, à notre insu, le rideau était déjà levé sur le premier acte du drame qui devait déchirer notre Pays : tandis que certains repassaient dans leur cœur le discours du Maréchal, d’autres déjà serraient les poings, pensaient à la lutte qui continuait et bénissaient le Général, hier encore inconnu d’eux, qui avait relevé le gant……

Les premiers résistants, avec quelle émotion nous nous comptions alors, et avec quelle joie nous découvrions une croix de Lorraine sur une poitrine nouvelle. Combien d’amitiés se nouèrent à ce moment, amitiés qui durent toujours ; combien d’autres hélas, se brisèrent …

Les familles Ravier, Touillon, Sengissens, Grobon, Herscu, Maissiat, Gudin, Pacquet, Brun, Musy entourèrent bientôt les Mercier (ndlr)

Le docteur Mercier montra à ses compagnons qu’un homme n’ayant socialement rien à redouter de Vichy, pouvait dire « non » au Maréchal et à sa politique.

En savoir plus …

Il se mit avec ardeur à la tâche, des amis dévoués l’aidèrent, et à la fin de 1940, les résistants devenaient plus nombreux à Nantua et dans les villages environnants où le docteur se rendait chaque jour……

La politique de Vichy, qui s’orientait de plus en plus vers la collaboration, trouvait de moins en moins d’écho chez nous, les auditeurs des émissions françaises de Londres étaient chaque jour plus nombreux.”

1941

Vidéo: “Que faire en 1941″ Mme Mercier 2’50”

Au mois de mars, Roland Ruet, élève de philo, est à l’origine de la création d’une phalange patriotique au collège, la troisième en France et le journal Pro  Patria en fut l’expression.
A l’heure où pratiquement toute la France voue au Maréchal un culte qui la rassure, comment s’étonner que des élèves répondent aux appels répétés que Pétain leur adresse.
Seize numéros du journal Pro Patria » furent édités du 1er mars 1941 aux vacances scolaires de l’été 1942.

Pro Patria » fut le premier journal des Phalanges Patriotiques universitaires paru en France.

Dans le premier numéro de mars 1941 l’éditorialiste cite le Maréchal : « …Aidez-moi dans cette œuvre de redressement de la Patrie. Je compte sur vous, sur toute la jeunesse de France ». Il répond : «…. Vous nous avez rendu la foi en nous-mêmes et notre patrie….Debout jeunes, jeunes phalangistes ! Le Maréchal a besoin d’une jeunesse au caractère ferme, à l’esprit clair, au cœur fraternel ! » R. Ruet, philo.
Dans le N° 2, est évoquée, la réception en gare de Bellegarde le 16 mars 1941 d’un train de prisonniers, rapatriés sanitaire, organisée par le Comité de la Croix-Rouge et le discours enflammé de son président. Il n’est pas fait mention des cris d’hostilité adressés par un contingent de 17 élèves, aux gardes allemands sur le pont du tram gardant la Ligne de démarcation, comme en a témoigné Georges Grandclément.
Dans ce même numéro, il dresse le panégyrique de Paul Courtois, ancien élève, engagé dans un corps franc durant la campagne de France, à l’occasion de sa nomination de vice président de la Légion des Combattants de Nantua. Courtois appartiendra par la suite à la Milice, fondée à partir de la Légion des Combattants.

Le principal harangue les élèves R. Ruet au premier rang à gauche

Tous les autres numéros témoignent de ce qui voulait être un élan patriotique.

Le  Principal, Mr Boillin soutenait cette action, comme le lever des couleurs tous les lundi matin, accompagné du chant “Maréchal, nous voilà !”. C’était pour les élèves une obligation de participer à cette organisation et à ces manifestations.

Mais pendant ce temps, d’autres idées se propageaient, sans tapage, mais qui devaient se confronter certainement dans les dortoirs, à celles qui s’étalaient au grand jour.
Alors que Ruet passait son 2ème Bac avec succès en 1942, d’autres réussissaient le premier, entre autre Paul Sixdenier et André Vareyon. Ils participèrent tous deux à l’expédition du sabotage des usines Schneider au Creusot le 16 décembre 1943. Sixdenier, fait prisonnier, fut exécuté à Dijon le 29 janvier 1944. Il écrivit le poème « Trois croix de fer me barrent le ciel » et une lettre incroyable à sa mère, la veille d’être fusillé

 

Le principal Boillin mit fin à cette phalange à  la rentrée scolaire de septembre 1942, Ruet, son moteur, avait quitté le collège ayant réussi son Bac. Boillin fut inquiété à la Libération. Il exerça en Allemagne en zone d’occupation française.
Rappelons que personne (!) ne tint rigueur à Roland Ruet, puisqu’il fut élu, après guerre maire de Fernay Voltaire, puis conseiller général, président du conseil général, et enfin sénateur!
Le délit d’opinion disparut à la Libération….

“Toujours en mars 1941, la Croix-Rouge de Nantua devait assurer en gare de Bellegarde la réception d’un train de prisonniers malades rapatriés d’Allemagne. Les dames de la Croix-Rouge demandèrent aux collégiens de les accompagner pour porter des corbeilles de gâteaux destinés aux prisonniers. Le train eut quelques heures de  retard….La ligne de démarcation n’était qu’à quelques centaines de mètres de la gare, sur le pont de Lancrans. Les collégiens émus par le retour de leurs compatriotes, emportés par leur patriotisme et leur ardeur juvénile, s’approchèrent du pont et entonnèrent une vibrante Marseillaise en l’honneur des sentinelles allemandes interdites. (l’enquête déclenchée les inquiéta, ils furent quitte à une sévère réprimande ndlr)

Le 29 mars au soir, les membres de la Commission d’armistice allemande s’installent pour la nuit dans un hôtel de Nantua. Le lendemain matin, trois V gigantesques s’étalaient devant chacune des portes de sortie de l’hôtel. Ce fut l’année de l’offensive des V.

Le 11 mai 1941 : c’est la fête de Jeanne d’Arc. Comment la propagande de Vichy osa-t-elle utiliser à son profit notre héroïne nationale? Parce qu’elle fit la guerre aux anglais ? ….Un patriote de Nantua profita de cette fête, pour arborer à sa fenêtre un pavillon à Croix de Lorraine et un drapeau anglais.

+ D’INFO

Le 5 juillet 1941, Vichy nous dépêchait un émissaire, le ministre de la jeunesse et des sports, Larminand . Quelle amertume pour les patriotes de voir nos trois couleurs dévoyées en l’honneur de généraux et de ministres félons qui vendaient la Patrie ! Un immense mât avait été installé au bord du lac pour l’envoi des couleurs…..le matin de la réception, l’ « Union Jack » flottait au sommet du mât ! Quatre gars de chez nous, plein d’humour l’avaient hissé pendant la nuit.”

De G à Dr: : André Thuillier, Maxime Bilon (dit Taton), Raymond Piquet, René Jomain (dit l'Arbalette).

Le tribunal les condamna : à 20 jours de prison et 300 francs d’amende…Raymond Piquet sera déporté le 14 décembre 1943. Les autorités font couper le mât.

“Le 27 juillet, jour de la Fête Nautique au bord de notre lac, une équipe de nageurs suisses prenait part aux épreuves. Nous avions pu leur demander d’apporter l’enregistrement de la mélodie de leur hymne national ; cette mélodie est la même que celle de l’hymne anglais, le God save the King. Le speaker de la fête, un de nos amis annonça : « Ecoutez la Marseillaise et l’hymne suisse ».
L’assistance se leva et immédiatement après la Marseillaise, éclata le God save the King. Que dire de la stupéfaction et de l’indignation qui se peignirent sur le visage des fidèles légionnaires du Maréchal, figés dans leur salut romain ?

De G à Dr: : André Thuillier, Maxime Bilon (dit Taton), Raymond Piquet, René Jomain (dit l'Arbalette).

Dr Mercier président de l’USN (lunettes) et Me Rogier à dr.

Ce sont des anecdotes et des gestes qui peuvent paraître enfantins et un peu vain à des yeux indifférents ou malveillants. Mais ce sont des gestes qui entretenaient l’espoir des patriotes…
Bien avant le STO, la jeunesse fuyait la métropole où s’affirmait la politique de collaboration : elle allait former sur la terre d’Afrique la future « phalange des dissidents », celle qui devait chasser définitivement l’ennemi d’Afrique du Nord, vaincre l’Italie, délivrer l’Alsace. Deux garçons de chez nous, deux frères de 20 et 21 ans, (André et René Ravier ndlr), devaient laisser leur vie dans cette épopée.”

René est décédé le 13 octobre 1943 à SIDI BEL ABBES.
André est tué le 1er novembre 44 à HERBEVILLER

 

Bien entendu, nous étions en butte aux mille tracasseries que nous faisaient subir Vichy : interrogatoires, vertes semonces des autorités, perquisitions vexantes…..

Maintenant les deux colosses du monde, l’Amérique et la Russie, combattaient l’Allemagne”.

1942

En avril la statue d’Alphonse Baudin fut enlevée de son piédestal;
La population nourrit une dévotion spéciale pour ce compatriote mort sur les barricades pour la Liberté. Le 11 novembre suivant, une gerbe devait fleurir son piédestal dépouillé…
Au cours de l’été, un rassemblement des « Compagnons de France » avec feux de camps et chants, fut organisé à Nantua par Vichy….
La jeunesse était enrôlée par le gouvernement du Maréchal dans des mouvements calqués sur ceux des jeunesses fascistes …..On peut obtenir de la jeunesse d’immenses efforts et le sacrifice suprême en parlant de Liberté et d’Honneur, mais en exaltant la défaite et la soumission, Vichy brisait son âme et instrumentalisait les pauvres petits garçons qui dansaient en rond autour d’un feu, sur notre champ de foire, par cette nuit étoilée, tandis que là-haut sur la montagne, de jeunes hommes libres et fiers de l’être allumaient un immense brasier qui envoyait en gerbes, dans la nuit d’été, ses étincelles brillantes.
Les « Compagnons de France », interdits, interrompirent leurs chants d’esclaves.

A cette même époque, à Paris, un enfant de Nantua, Pierre Benoit, dirigeait à 17 ans un des premiers corps-francs du Front National, et participait à plus de quarante attentats contre l’occupant. Il incendie un jour plus de dix avions au sol dans un aérodrome de Seine et Marne, et rentre à pied à Paris, avec une balle dans le genou. Traqué, signalé partout comme chef terroriste, il est arrêté en août, livré aux allemands et enfermé à Fresnes avec quatre de ses camarades. Il devait être fusillé en février 1943. Il est mort comme on sait mourir à 17 ans…

Dernière lettre de Pierre BenoitEn septembre, la diffusion de la presse clandestine était régulièrement organisée à Nantua. Le réseau s’étendait à La Cluse, puis à Oyonnax. Ce service devait fonctionner pendant toute la clandestinité : Franc-Tireur, Libération, Défense de la France, Bir-Hakeim, et plus tard La Voix du Maquis, étaient régulièrement distribués par les soins de la Résistance locale….. La loi du STO commençait à sévir. Immédiatement, la B.B.C. diffusa le message : « Ne partez pas, prenez contact avec les organisations de Résistance qui s’occuperont de vous ». De jeunes recrues étaient logées dans des fermes abandonnées du plateau de Retord. Leur ravitaillement posait de nombreux problèmes mais le dévouement des résistants de la ville et de la campagne trouva toutes solutions…..” Courant 1942, Nantua accueille un groupe de « récupérés », prisonniers de guerre évadés ou réfugiés alsaciens lorrains, regroupés par l’armée d’armistice en unités de travail d’intérêt général. En novembre 1942, cette unité est dissoute, ses éléments dispersés. Certains resteront à Nantua. Quelques uns renforceront le groupe de premiers résistants dont Maurice Steiss et Bernard Chauvin qui mourra en Indochine le jour du 10ème anniversaire de la rafle du 14 décembre 1943. Maurice Steiss prendra le commandement de l’A.S. de Nantua après l’assassinat du Dr Emile Mercier. (ndlr)☝︎

1943

Les Allemands réquisitionnèrent L’Hôtel de France pour installer une Feldgendarmerie occupée par 43 douaniers. Ils restèrent à Nantua du 1er avril au 25 octobre 1943. Ils devaient revenir et rester 4 jours lors de la rafle du 14 décembre. (cf. notes de l’Abbé Bouvet)

“Notre département a eu le grand honneur d’abriter le premier Etat-Major de l’Armée Secrète (A.S.) : le Général Delestraint, à Bourg en Bresse, avait reçu du Général De Gaulle l’ordre de mettre la Résistance sur pied de défense dans la France entière, et de créer L’A.S..

Les messagers du Général arrivèrent à Nantua en février. Une réunion eut lieu dans le cabinet du Dr. Mercier: des instructions précises furent données et chacun se mît à la tâche avec une ardeur renouvelée ; le Docteur avait déjà préparé le travail au cours de ses visites dans les campagnes. Il y eu bientôt dans chaque village un responsable politique et un responsable militaire. On commença à réparer les vieux fusils et à tout préparer pour le jour « J ».

Cependant les jeunes fuyant le S.T.O. affluaient de toutes parts…….ils étaient conduits la nuit dans les montagnes. Les membres de la Résistance collectaient de l’argent “.

Le 15 mars, 12 Saint-Claudiens arrêtés à la suite d’échauffourées la veille liées une réunion aux Bains-Douches, constitutive de la Milice, sont conduits à la prison de Nantua. Ayant retrouvé la liberté certains au bout de 3 mois, tous rejoignent le Maquis. Ce sont : Régis Pillard, Henri Colomb, Marcel Batifouiller, Jean Faivre, Dino Fabri, Louis et Oreste Linda, Jean Perrier, Georges Potard, et Paul Savarino.( ndlr)

“Quelque uns de nos premiers maquisards étaient restés en Savoie. En avril 1943, nous apprîmes la mort du premier des nôtres au Maquis : Raymond Intime tombait au cours d’une escarmouche sur la frontière italienne.

A cette époque deux seules voies s’ouvraient aux jeunes qui refusaient de se soumettre à la loi inique : se réfugier dans la montagne, prendre le maquis, ou gagner l’Espagne à travers les Pyrénées, et de là, l’Angleterre ou l’Afrique.
En septembre 1943 deux jeunes gens de Nantua suivirent cette route périlleuse. Arrivés en territoire libéré, ils se soumirent au dur entrainement des commandos et se couvrirent de gloire pendant la campagne de la Libération. L’un d’eux Maurice Evain ne devait pas revenir. Le second fut grièvement blessé.

L’effectif des jeunes réfractaires au STO devenait important. Une organisation spéciale s’imposait. C’est en été 1943 que le Capitaine Petit (Romans) fut nommé Chef des Maquis de l’Ain.
Pour ceux de la ville, l’heure était moins exaltante : il fallait durer.

En octobre, eut lieu le rocambolesque cambriolage du Greffe du Tribunal. (réalisé par René Jomain dit l’Arbalète, sous le contrôle du procureur Fernand Davenas (ndlr). Les armes du Tribunal étaient d’un évident intérêt historique !

En novembre, Nantua abrita pendant plus d’un mois André Jacquelin, directeur du journal Bir-Hakeim, il assura des liaisons avec la Suisse.

Le maquis, défila à Oyonnax….”

Alors que les maquisards de Romans Petit défilent à Oyonnax, 150 Nantuatiens à visage découvert, forment un cortége à hauteur du Commice Agricole. Le directeur Ary Geoffray, absent ce jour, est un résistant de la 1ère heure.  Emmenés par le sénateur Eugène Chanal, ils vont au Monument aux Morts rendre hommage aux vainqueurs de 14-18, et déposent une gerbe. Cette gerbe reste en place toute la journée car une fausse grenade en bois reliée à des fils élèctriques laisse penser à un piège infernal. Une équipe de démineurs venus de Lyon constate la supercherie. Puis le cortège traverse Nantua par la rue de l’Hôtel de Ville, et la rue du Collège, et s’arrête devant le piédestal d’Alphonse Baudin, dont la statue a été enlevée par les autorités de Vichy. Là, une minute de silence est encore observée, avant que le cortège n’éclate.

Eugène Chanal sera arrêté lors de l’Opération Korporal en  février, et mis en résidence surveillée en gare de Macon.(ndlr)
Rapport des R.G. sur les événements survenu dans l’Ain dans la semaine du 11 novembre, cliquez sur la 1ère image pour afficher le diaporama:

A partir de ce moment nous vécûmes avec la pensée constante de soutenir notre Maquis chaque jour plus fort, chaque jour mieux organisé, mieux armé.

Le Poste de Commandement (P.C.) était à ce moment prés de chez nous à Brénod, puis à Intriat où était caché un mitrailleur de la R.A.F. chez un paisible ménage de retraités.

Le Docteur Mercier avait reçu du Capitaine l’ordre d’organiser le Service de Santé pour l’ensemble des camps. Il se rendait chaque soir au P.C. et revenait grisé par l’atmosphère d’enthousiasme qui régnait autour de Capitaine...

Extrait des “Vagbonds de l’Honneur” Pierre G. Jeancquot.

Le 6 décembre, un petit groupe de maquisards promenait dans les rues de la ville un singulier cortège : un couple de collaborateurs, tenanciers d’un café de la ville, en très légère tenue, arborant la croix gammée sur leur dos. La femme avait été préalablement tondue par les petits gars indignés de sa complaisance pour les soldats allemands….

Les passants ne réagirent pas et le cortège passa pratiquement inaperçu de la majeure partie de la population.

Cette promenade est un souvenir douloureux pour les Nantuatiens.

Au lendemain des terribles opérations du 14 décembre, une affiche fut placardée sur les murs de la ville….
C’est un fallacieux prétexte et la réalité était toute autre : nous avions un Sous-Préfet (Mr Demay ndlr), décoré de la Francisque, admirateur passionné du Maréchal et de sa politique…..Il était très orgueilleux, très imbu de lui-même ; de plus il haïssait le Résistance. Il se raidit dans son attitude et se montra un ennemi implacable. Il dramatisa tous les coups de main du Maquis et décrivit Nantua, comme un dangereux repère de terroristes. A plusieurs reprises au cours de l’été il avait demandé l’envoi de forces de maintien de l’ordre dans la région. Il perdit tout contrôle de lui-même lorsque le 13 décembre le Maquis enleva sa voiture (elle sera utilisée lors du sabotage des usines Schneider au Creusot 3 jours plus tard le 16 ndlr).
Aveuglé de fureur, il passa son après-midi au téléphone, et le soir du 13 décembre, le Docteur Mercier déclarait à ses amis : « je viens du P.C., je leur ai demandé de déménager cette nuit ; il y aura certainement une attaque demain, le Sous-Préfet est devenu fou ! “

“Une attaque contre le Maquis était prévue, ce fut une rafle qui eut lieu.

Le 14 décembre 1943, dans l’aube glauque d’un jour d’hiver, un train entre en gare, il en débarque une nuée de S.S., ils cernent la ville de toute part, occupent la poste. L’opération est menée par le Lieutenant SS Moritz du Sipo-Sd de Lyon (cf. F.Davenas, ndlr). Par groupe de deux ils pénètrent dans les maisons endormies : pêle-mêle, sans distinction d’aucune sorte, ils arrêtent tous les hommes valides. Brutalement, à peine vêtus, à coups de crosse, ils sont conduits à la gare, parqués dans des wagons à bestiaux.
La stupeur et l’épouvante figent tous les visages.

NDLR Deux tractions citrôen de la gestapo quittent la gare et se dirigent sur Oyonnax

Le Docteur Mercier n’est pas arrêté, car la rafle épargne le corps médical. Mais il est incapable de rester chez lui alors que la terreur règne partout. Il est terriblement inquiet, au sujet de l’hôpital qui déjà abrite des maquisards blessés (dont Georges Béna, dit Michel, chef du camp de Granges. ndlr). Il sort donc pour se rendre à l’hôpital. Il est arrêté en route et conduit à la gare comme les autres. Comme les autres…jusqu’au moment où une dénonciation infâme parvint au chef S.S. qui dirigeait l’opération.

Celui-ci vint alors le chercher, et le séparant de ses compagnons, le conduisit dans le bureau du chef de gare où nous (Paulette Mercier ndlr) avons pu le voir en fin de matinée. Il souriait encore, mais son visage était fort pâle : J’ai été dénoncé nous dit-il ; l’allemand en m’entraînant ici m’a dit ” je ne vous interroge pas, je sais que vous êtes le chef du Gaullisme. “

Au milieu de la matinée, un groupe de nouveaux prisonniers arrivent à la gare, plus attendrissants encore que les autres : ce sont les élèves du collège.

Les allemands ont fait irruption dans leurs classes, ils les ont fait aligner dans la cour au milieu de laquelle, ils avaient installé une mitrailleuse. Les mains levés, ils ont été fouillés, les allemands n’ont pas remarqué le minuscule drapeau anglais que beaucoup d’entre eux portaient à la boutonnière de leur blouse grise. Ceux qui ont dix huit ans, ou accusent cet âge par la taille, ont été arrêtés.

Ce sont eux qui arrivent maintenant. Ils marchent au pas, dressent fièrement la tête et toisent les allemands. Ils entrent dans la gare et partagent bravement le sort de leurs ainés…….Les allemands laissent pénétrer par petits groupes les femmes qui se dirigent vers les wagons, portant des lainages, quelque nourriture, un peu d’argent….
Le train s’est ébranlé vers midi, emmenant 130 hommes et leurs bourreaux. Il a quitté Nantua lentement comme un convoi funèbre, et c’est ce qu’il était en réalité”.

Témoignage Fernand Davenas, procureur de la République de Nantua

Au collège (ndlr):

La vie au collège par Marc Beretta : 

Témoignages d’élèves

Liste des élèves et encadrants arrêtés

Monsieur Merle, le Tys, concierge du collège passe de classes en classes donnant l’ordre à chacun de se regrouper dans la cour. La cloche sonne la récréation de 10 heures. De là, on peut voir à hauteur des dernières maisons sur la route d’Apremont des soldats établir un barrage. Deux escouades d’individus à l’uniforme verdâtre passent sous le porche entre les deux cours.

Le principal, Monsieur Boivin traverse le porche escorté de deux officiers SS, de deux hommes en civile, et du professeur d’allemand ; ce dernier fait office d’interprète. Ils montent visiter les dortoirs accompagnés de soldats.

Ils font aligner les élèves les bras levés, contre les classes d’anglais, d’allemand et de physique, alors que trois autres mettent en batterie face à eux, une mitrailleuse sur son trépied.

Le collège est fouillé: classes puis dortoirs.

“Des munitions dans le dortoir” par Michel Fournier

On l’a échappé belle” par Marc Beretta

Après un conciliabule, ce groupe passe les élèves en « revue » et certains doivent sortir du rang, ceux de plus de 18 ans. Tenus à part, comptés et recomptés des soldats les emmènent au dortoir pour prendre leur manteau et gros souliers.

Ils sont emmenés dans la cour des grands en passant sous le porche, où ils sont alignés contre la façade de la Chapelle.

En colonnes par trois, bien encadrés, élèves et membres de du personnel se dirigent  vers la gare en passant devant la sous-préfecture.”

On l'a échappé belle" par Marc Beretta

Ils font aligner les élèves les bras levés, contre les classes d’anglais, d’allemand et de physique, alors que trois autres mettent en batterie face à eux, une mitrailleuse sur son trépied.

Le collège est fouillé: classes puis dortoirs.

“Des munitions dans le dortoir” par Michel Fournier

Après un conciliabule, ce groupe passe les élèves en « revue » et certains doivent sortir du rang, ceux de plus de 18 ans. Tenus à part, comptés et recomptés des soldats les emmènent au dortoir pour prendre leur manteau et gros souliers.

Ils sont emmenés dans la cour des grands en passant sous le porche, où ils sont alignés contre la façade de la Chapelle.

En colonnes par trois, bien encadrés, élèves et membres de du personnel se dirigent  vers la gare en passant devant la sous-préfecture.”

Le train (ndlr):

Le train s’ébranle, les raflés occupent des wagons à bestiaux, 25 dans chacun, il arrive à Bourg alors qu’il fait encore jour. Les portes des wagons coulissent, les « voyageurs » sont invités à descendre et encadrés par une double haie de soldats en armes, ils sont conduits à l’Hôtel du Commerce, faisant office de Feldgendarmerie, juste en face de la gare.

Là, il est procédé à un contrôle d’identité, de la saisie des papiers. Une petite collation leur est attribuée. Avant minuit pout les uns, après pour d’autres, les Raflés sont ramenés à la gare toujours encadrés par un déploiement de forces « extraordinaires ». Ils grimpent dans les wagons à bestiaux, toujours à 25 (fünf und zwanzig !) par wagons, se faufilant pour certains afin de se regrouper par affinité ; collégiens et professeurs sont ensembles.
Le train se dirige vers le Nord, et très vite des idées d’évasion germent dans les esprits, les discussions vont bon train, des argumentations s’affrontent entre ceux qui veulent tenter « la belle » et ceux qui craignent de futurs représailles.
Un jeune dentiste de Nantua ( M. Gotthelf israélite travaille illégalement chez un collègue à Oyonnax, Léon Barriol qui est aussi chef du S.O.L.!) sort un couteau glissé dans une de ses chaussettes et casse la lame entre deux lattes de bois. Ce tournevis improvisé permet de démonter les cornières qui fixent une des 4 lucarnes, ouvrant ainsi une voie ! Le passage est de 80 cm de large sur 40 de hauteur.
Des élèves et des membres de l’encadrement sautent ainsi d’un wagon, d’autres s’échappent aussi d’autres wagons et s’éparpillent dans la nature, en pleins nuit entre Moulins des Ponts et Louhans.

Le train s’arrête à Auxonne, où l’évasion est démasquée, trahie par des lucarnes ouvertes. Les prisonniers sont comptés et des coups de crosse distribués.
Le train redémarre et stoppe à nouveau à la gare de Dijon à Pressy-sous-Thyl. Il est 7 heures du matin, il reste à quai toute la journée, d’où il repart  le soir pour Compiègne atteint le lendemain 17 décembre à 7 heures.

Toujours par un imposte 4 raflés à Nantua, Pélisson de Lantenay, Alexandre Caldognéto , Félix Bride et Raymond Piquet de Nantua, sautent du train à hauteur de Trogny-aux-Bœufs (entre Chalons sur Marne et Vitry-le-François). D’après les témoignages de Marc Berretta, Jean Rogier, Marcel Sauret, Simon Pernod et Raymond Piquet.

La plupart des nantuatiens partiront de Compiègne le 24 janvier 1944 dans le convoi 1.172.

Liste des Déportés.

Liste des évadés du train.

Plaquette “Alphonse Baudin suite: “Quelques minutes après le départ du train, deux voitures quittaient la gare : dans la première se trouvaient le capitaine de gendarmerie (Vercher ndlr) et Antonin Allante, premier adjoint au Maire (en fait, vice président de la délégation spéciale: nommée par Vichy, ndlr). Ils furent emmenés à Montluc, un mois plus tard à Buchenwald où devait mourir Antonin Allante.

“Le Docteur Mercier monte dans la seconde. Il quitte Nantua à son tour, sourit encore à travers la glace à ses amis qui se trouvent là. Dans cette même “Traction” avait pris place Mme Payan, celle-là même qui avait été exhibée avec son mari dans les rues de Nantua et d’Oyonnax le 6 décembre. (témoignage de Georges Beretta). Quelques heures plus tard, un passant découvrit son cadavre criblé de cinq balles de mitraillettes, sur le bord de la route, à Maillat, à sept kilomètre de Nantua.”

L’autopsie réalisée par le Dr Touillon révéla  que les balles traversèrent sa main droite posée sur son cœur, comme un ultime témoignage d’amour …… (ndlr)

“La lutte était finie pour lui….chacun rentra chez lui, emportant sa peine, comme un animal blessé rentre dans son terrier, et la nuit tomba sur une ville morte.
Le chef de la famille ou un enfant chéri, manquait dans de nombreux foyers, mais chacun mit ce soir là son chagrin personnel au second plan, et la ville entière pleura le Docteur fusillé.
Il avait donné sa vie, mais ses compatriotes ne lui marchandèrent pas les marques d’affection, et pendant les deux jours où son corps reposa dans le cabinet de consultation, où nous l’avions vu si souvent, la population de la ville et du canton entier défila et versa des larmes sincères sous le regard figé des « observateurs » de la Gestapo “.

Le surlendemain, une affiche présentait, sur les murs de Nantua, la raison ( !?)  de cette rafle. Elle fut rédigée en sous préfecture sur un thème fourni par le sous lieutenant SS Moritz, et imprimée par l’entreprise Reine d’Oyonnax. (ndlr)

Vidéo: le 14 décembre 1943 par Simon Pernod 1’36”

Témoignage Raymond Piquet

La question des causes de cette rafle reste posée. Il était impossible à la Libération de ternir l’image de la Résistance en pesant son action et les représailles qu’elle entraîna. Vous imaginez bien que notre volonté n’est pas de flétrir la Résistance. A travers le monde, les résistances s’accompagnent de répressions, avec hélas ses victimes collatérales.

Le défilé de troupes en armes à Oyonnax, un mois plus tôt était intolérable aux yeux des Allemands.

Pour nous, accepter que la cause de cette rafle fut le fait de tatouages à la peinture de croix gammées sur les corps partiellement dénudés d’un couple de cafetiers (deux notabilités en rapport avec les Allemands, comme le précise une note allemande !!) promenés dans la rue à Nantua et plus longuement à Oyonnax, c’est donner du crédit à cette justification donnée par les Allemands, telle qu’elle fut placardée sur les murs de Nantua.

Que peut peser la « profanation »  de l’emblème nazie face à un défilé en armes de 130 Maquisards le 11 novembre, à la barbe de l’occupant, et applaudi par une foule ?

Que valent les déclarations du Sous-préfet Demay rapportant les mots de l’officier allemand responsable de l’opération ? Il avait connu le Lieutenant Moritz, responsablede l’opération, à Paris; Demay ce fonctionnaire zélé, était responsable des attaques de camps de réfractaires par les G.M.R ; le 13 décembre 1943, rapportait le Dr Mercier,  il était rendu  « fou furieux » par le vol de sa belle traction avant, une semaine plus tôt, qui devait l’emmener en voyage de noce; elle sera utilisée le 18 décembre, lors du sabotage des usines Schneider au Creusot.

Cette thèse de « l’offense faite au Reich » a permis aux Allemands et à Vichy, d’occulter la présence et l’activité de la Résistance et de masquer leur impuissance à la maîtriser. Ne reprenons pas encore des dizaines d’années après cette thèse allemande de la promenade des époux Payan dans la ville.

Cette rafle apporta des bras vigoureux (de 18 à 40 ans) aux Kommandos des camps en Allemagne; son but fut d’effrayer la population civile et de la dissuader de soutenir les « terroristes ».

Demay fut très vite remplacé par le sous-préfet Dupoizat qui, discrètement se mit à la disposition du capitaine Romans.(ndlr)

Madame Paulette Mercier soutenait que si une médaille devait être frappée au souvenir de  la Résistance dans l’Ain, une face serait gravée évoquant le Défilé du Maquis à Oyonnax le 11-11-43, l’envers présenterait l’effigie du Docteur Emile Mercier. Ce ne serait pas une volonté de glorifier, mais de maintenir le souvenir d’une volonté de lutte armée d’un coté et de l’autre le symbole des victimes collatérales inévitables.

“Et l’année s’acheva dans le plus sombre désespoir….Chacun agissait mécaniquement, vivait par vitesse acquise. Nous ne réalisions ni le danger, ni la douleur : tel ce patriote (Mr Ravier ndlr) qui pendant les jours qui suivirent l’exécution du Docteur Mercier, effectua les liaisons nécessaires avec le Maquis malgré la surveillance étroite de la Gestapo, avec, dans son portefeuille, l’avis de décès de son fils René”.

Témoignage de Félix Bride sur son parcours avec Raymond Piquet :

Des collégiens oeuvrent à maintenir le souvenir, lors du 60è anniversaire.

1944

“C’est dans une atmosphère de détresse infinie que débuta pour nous l’année nouvelle….

Les Allemands reviennent s’installer, à l’Hôtel de France le 15 janvier 1944, la Feldgendarmerie sera transférée le 14 mars à l’Hôtel Vuaillat, au carrefour de La Cluse, qu’elle abandonnera le 6 juin 1944 lors de l’Insurrection. (cf. notes de l’Abbé Bouvet)

“Janvier s’acheva. A la fin du mois nous apprîmes le départ pour l’Allemagne des victimes de la rafle, et les premiers colis purent être envoyés.

De temps en temps, le bruit d’une fusillade déchirait le silence de la nuit. Le Maquis bien armé maintenant « accrochait » les voitures allemandes sur les routes, sabotait les voies ferrées.

Il y avait parfois des victimes au cours de ces « coups de main » audacieux. Les morts étaient ensevelis au cimetière et des mains amies fleurissaient leur tombe. Les blessés étaient opérés et soignés à l’hôpital qui fut toujours pour le Maquis un havre de paix.

Après les opérations de décembre, les allemands assistèrent avec une stupeur furieuse à une augmentation de l’activité du Maquis. La circulation de leurs voitures isolées devenait impossible dans la région où les attaques étaient quotidiennes. La population civile exaspérée prêtait aux « terroristes » un concours complet et se dévouait inlassablement.” 

Répression de février

“Ils résolurent d’attaquer directement le Maquis et intitulèrent « opération de nettoyage » les opérations qu’ils entreprirent en février.

Les camions allemands en longues files gravirent les routes couvertes de neige qui conduisaient au « Plateau ».

Les habitants des villages les virent monter et prévinrent les maquisards. Le Maquis « éclata », suivant la tactique habituelle des francs-tireurs.

Les allemands trouvèrent les camps abandonnés, ils tentèrent la poursuite, mais la neige les gênait considérablement

Et la topographie de la région rendait l’encerclement impossible.

Ils renoncèrent aux opérations de nettoyage de la montagne et, une fois encore, se retournèrent furieux contre les populations civiles.

La répression sur le Plateau fut sauvage et cruelle…

Les allemands arrivèrent à Nantua le jeudi 10 février au matin, la neige couvrait le sol.

Comme en décembre, ils cernent la ville…., une liste en main, ils parcourent la ville et procède à de nombreuses arrestations….Les hommes menacés se sont cachés. Les allemands arrêtent leur femme ou leur mère », nous libèreront les femmes lorsque les hommes se livreront », disent-ils. Les captifs, hommes et femmes sont enfermés au deuxième étage de l’Hôtel des Postes. Le 12, les 22 de la Poste sont conduits à la gare, et embarqués dans un train vers Bellegarde…… D’autres restent en état d’arrestation à l’Hôtel de Lyon (ndlr). “Il y eut quarante arrestations, parmi lesquels six braves gendarmes de la Brigade de Nantua, qui avaient rendu tant de services à la Résistance.”

Nantuatiens arrêtés le 10 février, déportés le 12 :

Les gendarmes:
Adjudant-chef Jean Maréchal 51 ans, adjoint du Commandant de section de Section de Gendarmerie de Nantua, mort à l’arrivée.
Adjudant Jean Donet 39 ans, Commandant la Brigade de Nantua,
Maréchal des Logis Emile Barbe 44 ans, des Brigades de Nantua,
Georges Chevallon 34 ans, Julien Vernet 38 ans et Antoine Oviste 24 ans, gendarmes.

Bertoletti Celino Mario 19 ans, scieur,
Brun Gabriel 41, menuisier,
Coletta Pierre Valère 43 ans, plâtrier,
Collomb Ernest Eugène 42 ans, plombier,
Coudeville André, 25 ans,
Daim René, 20 ans, charcutier,
Evrard Paul, 30 ans
Genoux Roger Louis 29 ans, cafetier,
Gudin Emile, 38 ans ébéniste,
Guichon Victor, 30 ans,
Guillot Marius Alfred 1191 55 ans sculpteur,
Janucsock Paul, ouvrier en menuiserie,
Maissiat François Pierre 1191 34 ans restaurateur,
Morel Jean,
Paquet Edmond 46 ans industriel,
René Roy, 26 ans, comptable,
Vaucher François 50 ans ébéniste,
Verguet Maurice Marcel 21ans.

Alexandre Sengissen, arrêté le 13 février fut emprisonné à Montluc, échappa au massacre de Saint-Genis Laval……

La plupart quitteront Compiègne par le convoi N° 1191 vers Mauthausen, seuls Paul Januczok et René Roy rentreront.

Reprenons la plaque “Alphonse Baudin” “Les fidèles du Maréchal …avaient aidé à l’établissement de la liste des adversaires du régime. Les interrogatoires avaient lieu à l’Hôtel de Lyon…quelques uns des notre furent relâchés.
Le vendredi soir, dernier délai fixé par l’ennemi, les hommes dont on avait arrêté les femmes allèrent se livrer.
A la tombée de la nuit, arrivèrent des camions amenant d’Oyonnax d’autres prisonniers. 

Liste déportés d’Oyonnax

Le samedi matin, la gare était le théâtre d’un nouveau départ : à 11heures le train partait…emportant 30 de nos compatriotes, il disparut, happé par la combe de Neyrolles.
L’après midi les canons des allemands bombardaient (depuis Montréal) une ferme sur le Mont , soupçonnée d’abriter le Maquis. La ferme utilisée par le Maquis se trouvait un peu en retrait ne fut pas atteinte.
Le soir, une dernière arrestation : un chef des organisations de Résistance en soin à l’hôpital, impotent fut finalement arrêté. Une dernière dénonciation le signala comme un Gaulliste dangereux. Il fut conduit par la route à Montluc où il devait rester jusqu’à la Libération.

….Le lendemain de bonnes âmes signalèrent aux allemands qu’ils s’étaient trompés de ferme, ils gravirent la montagne et incendièrent la ferme du Mont (camp de triage du Maquis, ndlr).
Quelques cartes postales arrivaient laconiques….ceux de décembre étaient à Buchenwald, ceux de février à Mauthausen.”

Avril

” Plus tard les allemands, revinrent et cernèrent Nantua le matin du Vendredi Saint. Il n’y eut pas cette fois d’arrestations massives, seul un ami gaulliste, Juge au Tribunal, signalé par un milicien, fut arrêté, maltraité, et emmené à Bellegarde, puis à Lyon, avec d’autres prisonniers de Saint-Claude et d’Oyonnax. Il échappa à la Déportation et fût relâché à Lyon.

Les allemands quittèrent la ville le 11 avril.

Les temps étaient changés, nous avions enfin à Nantua un Sous-préfet qui nous était dévoué (Mr Dupoizat ndlr). Il nous transmettait, dès réception, les notes confidentielles de la Préfecture Régionale.

L’AS de Nantua était maintenant armée. Les armes étaient le trésor du moment. Les sauvages du centre de l’Afrique n’auraient pas une joie plus délirante que la nôtre devant la première démonstration du tir de « bazooka ». Nous étions prêts à nous prosterner devant cette sorte de tube qui fauchait les sapins comme des allumettes.”

Le Débarquement

” Le 6 juin ; nous avions attendu ce jour quatre années entières et quelles années ! Nous avions vu partir combien des nôtres avant ce jour «J».

En toute hâte les allemands frétèrent leurs camions et évacuèrent cette région de “terroristes”.

Les gendarmes avaient reçu l’ordre de rejoindre Bourg avec armes et bagages. Le Maquis prévenu, arriva en camions et vint « enlever » les gendarmes qui se laissèrent faire une douce violence. Quelle joie de voir ces camions pénétrer en plein jour dans Nantua, ces petits gars bronzés, torse nu, ivres de joie, et qui chantaient en agitant des drapeaux ! …..

Dans la nuit du 7 au 8, notre chef de secteur (Maurice Steiss dit René II ndlr) reçoit l’ordre d’occuper la ville. Des affiches sur les murs proclament l’insurrection. L’A.S. prend position et occupe la Poste, la Mairie et la Sous-préfecture. Lors que la population s’éveille en ce matin du 8 juin, les soldats de l’Armée Secrète montent la garde aux carrefours, mitraillette à la bretelle.

Les collaborateurs notoires sont arrêtés. Les organisations de la Résistance mettent en application le plan prévu pour le jour « J ».

« La République est proclamée à Nantua ».

Notre Sous-Préfet est en joie. Il adhère avec enthousiasme à la IVème République, et une manifestation officielle est organisée pour sa proclamation. La population se masse devant la Sous-préfecture. Le Capitaine Romans apparaît au balcon, aux coté du Sous-préfet et des membres de la Résistance. Une main émue (celle de Mme Mercier ndlr) hisse les trois couleurs qui montent lentement, et l’étendard à la Croix de Lorraine se déploie dans le ciel…..une Marseillaise spontanée monte vers le drapeau. Le groupe forestier, un groupe de Maquis, le Corps Franc de l’A.S., présentent les armes.

Un cortège se forme et se dirige vers le Monument aux Morts. Une minute de silence recueilli, est observée…..Nous vibrons tous de la même émotion “.

Le Directoire :

“La ville était administrée par le directoire municipal installé le premier jour. Le personnel des administrations, à l’exception de deux collaborateurs, resta en place et se montra très dévoué. Il consigna même le mariage d’un jeune FFI, le 1er juillet 1944. Cette cérémonie a certainement été unique en France. Les jeunes époux (Julien Lacraz, agent de liaison du P.C. et Luisa Marcos-Vellaz, réfugiée espagnole, un temps logée à la prison, ndlr) furent félicités par Romans et Xavier et les membres du Directoire de Nantua.

Tous les actes du Directoire portaient le sceau retrouvé de la République Française. De nouvelles cartes d’alimentation portant la marque « FFI »étaient imprimées et distribuées.

Le personnel des P.T.T. se montra très dévoué. Le téléphone fonctionnait parfaitement, d’une extrémité à l’autre du territoire libéré.

Les blessés étaient nombreux, hélas, car les escarmouches ne cessaient pas. Ils étaient soignés à l’Hôpital et la population les gâtait. Les dames de la Résistance les visitaient régulièrement, et assuraient un service d’assistance au prés des familles de déportés résistants.

Les camions F.F.I. sillonnaient les routes et effectuaient des incursions et des coups de main réussis en zone contrôlée par les Allemands.”

L’armée Secrète (A.S.)

L’AS (Armée secrète) de Nantua est une unité importante du groupement Nord commandé par le Capitaine Noël Perrotot, “Montréal”. Elle comprend le secteur de Nantua, sous les ordres de Maurice Steiss, “René Il”, et de son adjoint Bernard Chauvin ; le sous-secteur de la Combe du Val, commandé par le sous-lieutenant René Carle ; le sous-secteur de Peyriat, commandé par le sous-lieutenant Thinet ; le sous-secteur de Saint-Germain-de-Joux, commandé par l’adjudant-chef Musy et par son adjoint Henrioud.

A Nantua, les missions de transmissions et de renseignements, pour l’ensemble du secteur, dépendent du sous-lieutenant Julien Ravier ayant cent soixante-cinq hommes sous ses ordres. Le secteur totalise trois cent cinquante hommes armés avant le 6 juin 1944, auxquels viennent se joindre tous les jours de nouvelles recrues, ce qui pose des problèmes de ravitaillement et d’armement.

Le collège est transformé en caserne. Les membres de l’AS des environs couchent dans les dortoirs, et tous mangent au réfectoire. C’est au collège aussi qu’a lieu l’instruction des nouvelles recrues ; les instructeurs, des gendarmes et des officiers de réserve, apprennent aux jeunes le maniement des armes et des explosifs. A l’AS sont joints le groupe forestier et le corps franc de l’AS formé dès le 8 juin 1944.

Le 1er juillet, le Colonel “Romans”, accompagné du Capitaine “Montréal” et du lieutenant-Colonel “Xavier”, de l’Armée anglaise, passe l’AS de Nantua en revue dans la cour du collège. Tout est impeccable et l’AS est félicitée. Mais un grave problème se pose : celui des armes et de l’équipement. Le problème des armes est le plus grave : les armes en nombre insuffisant restent sur les barrages, l’échange s’effectuant au moment de la relève des unités de garde. Les maquisards trouvent anormal de ne pas conserver les leurs en permanence.

Pendant la période d’insurrection, le rôle principal de l’AS de Nantua est de tenir des barrages : barrage de Sylans, barrage de Corlier, barrage de la forêt de Meyriat. Après l’évacuation de Bellegarde, l’AS de Nantua aide à la construction de l’énorme barrage de Trébillet. Le contenu d’un wagon immobilisé à proximité, oranges et vin, est distribué aux enfants et aux maquisards. Le moral des troupes est élevé.

Après cette construction, l’AS de Nantua reçoit l’ordre de prendre la garde du Pont-des-Pierres. A la fin uin, une section de l’AS participe aux opérations contre une colonne allemande en marche de Bellegarde vers Chézery ; les hommes occupent une position difficile sur un piton en face de Châtillon et tirent avec succès sur l’ennemi.

Le corps franc patrouille et effectue des reconnaissances nombreuses en pays occupé. En juillet, l’AS est envoyée sur le plateau d’Hauteville et employée encore à la construction de barrages, au col de la Lèbe, sur les routes de Saint-Rambert et de Virieu-le-Grand. Le 8 juillet, elle revient à Nantua pour un repos de deux jours et la préparation de la grande revue du 14 juillet.

Le parachutage de Port d’après l’abbé Bouvet:

“Le dimanche 25 juin, sur les cinq heures, le tambour nous réveille et nous apprend que Nantua est en état de siège. Interdiction de sortir des maisons, sauf pour les ménagères qui, de 9H à 11H, pourront aller aux provisions.

Il fait un temps radieux, et chacun peste contre cette mesure qui nous empêche de profiter d’un beau soleil. Il paraît qu’on attend un parachutage, sur le terrain de Port. A chaque instant, on regarde, on inspecte le ciel. Pas de ronronnement de moteurs. Rien. L’attente paraît longue.

Soudain, sur les 11 heures, du coté des Monts d’Ain, le bruit formidable que nous connaissons bien,pour l’avoir entendu maintes fois la nuit, d’avions qui arrivent en asse. Tout le onde se précipite aux fenêtres, et c’est une majestueuse apparition d’une multitude de bombardiers. Ils tournent vers Nantua, paraissant se diriger en aval du Mont, tournent pus loin que La Cluse et arrivent en rive sur la plaine de Port. C’est une pluie de parachutes. Spectacle merveilleux. Tous les avions envoient les rayons du soleil. Les centaines de champignons multicolores qui descendent avec grâce….C’est féérique.

On s’attend à la levée de l’état de siège, mais rien; on est toutjours caserné chez soi. C’est une précaution, paraît-il,pour faciliter la distribution du butin.

Des F.M.,des mitraillettes,des mitrailleuses (non ndlr), des fusils, des revolvers,des munitions,des explosifs, des boîtes de pansements, et des billets de banque, sont tombés du ciel, dans les tubes pour nos F.F.I..

Enfin on peut sortir les rues se remplissent de gens heureux de pouvoir prendre l’air et qui se communiquent leurs impressions. On est optimiste: nos défenseurs pourront maintenant être armés.”

Le Tribunal Militaire :

Reprenons la plaquette “Alphonse Baudin”  “Pendant toute la période insurrectionnelle, il n’y eut pas une seule exécution sommaire ; dès le premier jour, un Tribunal militaire fut mis sur pied par notre Procureur de la République (Fernand Davenas,ndlr), ami précieux de la Résistance de 1940 jusqu’à la Libération. Il veilla à ce qu’aucune irrégularité juridique ne fût commise ni dans la constitution du Tribunal, ni dans les débats qui devaient se dérouler…..
Les peines prononcées furent sévères mais justes, elles sont allées de la simple amende à la peine de mort. Les condamnés à mort furent des francs-gardes de la milice ayant pris part active à des opérations contre le Maquis, et des espions de la Gestapo.
Les prévenus pouvaient librement choisir leur défenseur (souvent l’Abbé Bouvet,ndlr).
La première séance fut tenue solennellement dans la Salle du Conseil, sous la présidence du capitaine Romans. Les autres eurent lieu dans la grande salle du Palais de Justice.”

La Police :

” La police était assurée par la police locale, sous les ordres de son capitaine. Quatre espions furent arrêtés par le Maquis dans la région de Tenay, et amenés à la gendarmerie de Nantua. Ils furent interrogés et conduits au P.C. du Capitaine. Condamné à mort, l’officier allemand en civil se mit au garde à vous, leva la main et cria : « Heil Hitler ».

Un soir, nous avons vu arriver une colonne de prisonniers allemands capturés par le Maquis….Ces prisonniers restèrent à Nantua et furent traités humainement ; ils étaient employés aux diverses corvées quotidiennes.

Le corps-franc de Nantua patrouillait et effectuait des reconnaissances nombreuses reconnaissances en pays occupé.

L’A.S. à la fin juin, de garde au Pont des Pierres participa aux opérations contre une colonne allemande en marche entre Bellegarde et Chézery. En juillet elle fut envoyée sur le Plateau et employée à la construction d’un barrage au col de la Lèbe. Le 8 juillet, elle revenait à Nantua pour deux jours de repos.”

La répression de juillet :

“Les allemands déclenchèrent une attaque générale le 10 juillet, sur l’ensemble de la zone « libérée ».
L’A.S. de Nantua avait quitté Nantua le 11 juillet pour Saint- Germain de Joux, (le barrage de Trébillet ayant cédé.). L’ordre de décrochage fut donné à l’ensemble des troupes, le 12 juillet.

Les Allemands gravissaient la côte de Cerdon……
Que faire ?… Il n’y avait rien à faire….
Les soldats de l’A.S. étaient partis.
Nantua allait être déclarée « ville ouverte ».
Le directoire municipal brûlait ses dossiers in extremis.
Il n’y eut plus que des situations particulières. Chacun envisagea le problème à la lumière de sa conscience, en regard de ses responsabilités. Les pentes de la montagne s’offraient à tous….. et la route de la Destinée à laquelle aucun de nous ne peut échapper.

Les allemands arrivèrent à 16 heures, depuis une heure quatre avions survolaient la ville, à basse altitude, tirant des rafales de mitrailleuse.”

Arrivée des Allemands à Nantua (témoignage de l’abbé Bouvet):

“Le mercredi 12 juillet, c’est la panique. On fut averti par les détenus politiques  du camp de Saint-Martin du Fresnes, libérés depuis 5 H par le secrétaire de Mairie qui en avait reçu l’ordre par téléphone. Les détenus racontent qu’on leur avait dit :”Vous êtes libres, les Allemands arrivent”.
Je vais aux renseignements au P.C. du Crédit agricole, c’est l’affolement. On entasse tout ce qu’on peut dans des camions, et vite on démarre. C’est l’affolement….

Je vais vite au collège. Le drapeau avec la croix de Lorraine est toujours au dessus de la porte d’entrée. “Vite, enlevez le et brûlez le !”, je descends,direction de la place d’Armes et je trouve Grézel sortant de chez lui. Il est 15H 30, je rencontre le greffier Goujon. “Avez-vous pensé à libérer vos maquis ? Allez vite les libérer, autrement vous risquez de les faire fusiller” Maître Boujon part en courant. Je continue vers la Grande Rue .Nous remontons du coté du lac et arrivons au Monument aux Morts, pensant que les Allemands arrivaient par la route nationale. Un concitoyen nous dit: “voyez, ils arrivent par la route de Port”.

Nous retournons sur nos pas par la route nationale. En passant je monte chez notre camarade Mugnier, conseiller adjoint. Nous apprenons qu’il est parti avec le maire. Mr Dossoy l’a entraîné, en lui disant: “Filons, autrement nous serons fusillés”. Je rejoins Grézel, devant l’Hôtel Giraud (futur Hôtel de Lyon), nous devons nous abriter: les balles pleuvent. Devant la gendarmerie, nouvelle pluie de scharpnels. Je perd Grézel rue Paul Painlevé. Je vois la file de prisonniers allemands qu’on dirige en dehors……J’arrive devant le Palais de Justice. Toujours pas de Grézel; Comme je vais trouver d’Humières au Greffe, je monte vers lui et lui explique ce qui vient de se passer. En ce moment, en regardant par la fenêtre, nous voyons une colonne allemande déboucher au coin de la Place d’Armes, coté rue Paul Painlevé !

Plus d’hésitations. “Venez avec moi” lui dis-je; “nous allons parlementer avec les Allemands. Grézel va nous rejoindre”. Nous sortons. Pendant qu’une partie de la colonne continue dans la rue Paul Painlevé, l’automitrailleuse et son accompagnement tourne à gauche, longe la place et arrive un peu en avant de la Grande Fontaine. Pas une personne dans la rue du collège, les persiennes sont fermées. Nous avançons,Maître d’Humières agite un mouchoir blanc qu’il tient à la main gauche. Je vais à coté de lui. L’automitrailleuse fait un léger à droite, le canon braqué sur nous ! ….

Enfin le capot s’ouvre et un officier apparaît. Il avait devant lui les deux représentants de la population puisque toutes les autorités étaient parties: plus de sous Préfet, plus de Maire, plus de magistrats, plus de gendarmes.

– Qui êtes vous ?
– C’est monsieur d’Humières, répond le premier, “Un prisonnier politique du Maquis, juge au tribunal et libéré ce matin; mon collègue monsieur l’Abbé Bouvet, aumônier militaire qui a été le défenseur des accusés devant le Conseil de guerre.
– Où est le Maquis ?
– Parti dans la montagne. Sur mon honneur, je vous jure qu’il n’y a plus de Maquis en ville.
– Où est le Maire de la commune ?
– Je (l’Abbé Bouvet) répond moi même: le maire nommé par le directoire est parti; l’ancien Maire qui est mutilé n’a pas pu venir.
– Nous le remettrons en place. Nos prisonniers, où sont-ils ?
– Paris depuis une heure en direction de Bellegarde.
– Les prisonniers politiques ?
– Ils sont encore à la prison, Vous pouvez venir les voir.
– Le Maquis prisonnier ?
– Libéré depuis un moment.

… A ce moment,le Docteur Grézel nous rejoignit; on le présente comme le président de la Légion. L’officier saute du blindé et nous dit : “A la prison”… Le rassemblement de tous les prisonniers, effectué dans le hall central, l’officier commande : ” Tous les miliciens, tous les P.P.F. hors rang !” Aucun des inculpés de Nantua et de Saint-Claude, ne se présente. Trois inculpés seulement sortirent. L’officier continue: ” Condamnés à mort, vous êtes libres.” 80 prisonniers étaient ainsi libérés.”

Plaquette “Alphons Baudin, suite:

“Les soldats arrivèrent par les deux routes longeant le lac. Immédiatement des groupes partent en patrouille sur les pentes du Mont, du Signal et de Chamoise, tirant sans arrêt. D’autres pénètrent dans Nantua à grand bruit…… à ce moment là un pauvre garçon qui essayait de s’enfuir fut abattu prés de la gare.

Les Allemands prennent possession du Groupe scolaire et y installent leur Q.G.
Le gros de la troupe est constitué par les « Mongols » encadrés d’Allemands. Un Etat-Major de Division occupe l’Hôtel de France. Ils sont accompagnés de Waffen SS français qui s’installe dans l’Hôtel de Ville.
Une colonne motorisée continue sa progression sur la route des Neyrolles. A la hauteur du Château de Pradon, elle rejoint les prisonniers allemands capturés par les F.F.I. ; ceux qui les emmenaient peuvent fuir dans la montagne.
L’un d’eux revient malheureusement trop tôt à Nantua ; reconnu, il est sauvagement maltraité et sera fusillé à Bourg quelques jours plus tard.
Les prisonniers reviennent à Nantua en vainqueurs.
La seconde capture de la colonne motorisée en marche sur Charix est celle de l’ambulance dans laquelle ont été évacués les blessés de l’Hôpital. Les malheureux sont ramenés à l’hôpital, terrorisés.
Le lendemain, à huit heures, le tambour de la ville ordonne à la population de se rendre sur le Champ de foire ; les portes des maisons doivent être laissées ouvertes.
Autour d’une table, au milieu du Champ de Foire, siègent le commandant allemand et quelques officiers.
Les femmes sont groupées par rang d’âge, les allemands défilent devant elles : « Regardez bien et signalez-nous celles qui ont été incorrect avec vous ». Aucune d’elles n’est désignée…
Trois femmes furent cependant arrêtées et conduites à l’école ménagère, probablement dénoncées.
Les mêmes contrôles sont subis par les hommes, certains sont désignés … et sont interrogés par le commandant, qui les gifle.

Tous les hommes de moins de quarante-cinq ans sont emmenés au groupe scolaire. Le visage contre le mur, sous la menace d’une mitrailleuse, ils restent ainsi jusqu’au soir, constamment menacés.
Les interrogatoires subis par les hommes arrêtés dans la montagne ou en tenue de maquisard étaient dramatiques.
De tous coté dans la montagne retentissent des rafales de mitraillettes : quatre membres de l’A.S. de Nantua furent pris dans la forêt de Chamoise et exécutés.

Le vendredi matin (le 15) a lieu, aux aurores, la première exécution, celle d’un brancardier F.F.I. (nom + plaque hôtel de France ?). A huit heures sept nouvelles victimes sont fusillés au Stade Nautique, ce sont les quatre désignés par les prisonniers allemands, un maquisard malade arrêté chez lui et deux inconnus.
Les interrogatoires se poursuivent jusqu’au dimanche 17 juillet.

Le lundi matin, 18 juillet, l’état-major et la colonne allemande qui avait procédé aux opérations à l’intérieur de la ville, quitte Nantua.
Ils emmènent une quinzaine d’hommes ; quelques uns seront libérés en cours de route. Cinq des nôtres:
Lugand Louis 75 anns, Nicoud Jean, Vion-Delphin Marius, Guy Roger (incomplet, + Guyennon Alphonse, Kempf Emile (?) réfugié, Laurent René,
Locatelli Angelo),

voir liste ci-dessous ndlr).

Ils sont emmenés et nous n’aurons jamais plus de leurs nouvelles (si ndlr).
Ils emmènent en outre neuf prisonnières retenues à l’Ecole Ménagère.”
(ndlr) Mmes Vercher, épouse du commandant de la prévôté, Brunet, et Bosch, épouses de gendarmes, Odette Borgis, Anne Ulliet, Terrier, Boichot et Erlich.
Emmenées à Drancy, elles seront libérées le 17 aout par les F.F.I., juste avant d’être envoyées en Allemagne. Mme Erlich, de confession juive  est déportée à Auschwitz dès son arrivée à Drancy. Elle rentrera.

Fusillés:
Stèle des bains :
CARCIAT Georges
GAVARD Emile
NOBLE Louis
RIVOLLET Constant
TREBOUET Marcel
2 inconnus

Plaques :
MUTIN-BONDET Henri      École
DEREMIENCE Paul           Gare
BLONDIN Pierre Anc.       Hôtel de France

Autres lieux
BOICHOT Emile
BOISSON Henri
DUCRET Georges
EVREUX Albert
GERVASONI Jean
GUY Louis
RIVOLLET Fernand
DELVA Paul

Déportés  le 18 Juillet 1944 – C pour convoi, M pour matricule, NR pour non rentré, R pour rentré.
Guy Roger 17 ans  C 125 M 40397 28/07 Neuengamme NR
Guyennon Alphonse 21 ans R C 125 M 40415 28/07 Neuengamme R [Témoignage du parcours d’Alphonse Guyennon]

Erlich née Goldman 26 ans R
Kempf Emile (?) réfugié alsacien C 125 28/07 Neuengamme NR NR
Laurent René 26 ans C 125 M 40665  31/07 Neuengamme NR NR
Locatelli Angelo 29 ans  C 125 M 40732 28/07 Neuengamme R
Lugand Louis 75 ans  C 1275 M 78461 18/08 Buchenwald NR
Nicoud Jean 20 ans  C 125 M 39975 28/07 Neuengamme NR
Rodet Emile 24 ans C 125 M 40836 28/07 Neuengamme NR
Vion-Delphin Marius 30 ans C 125 M 40669 28/07 Neuengamme NR

La colonne allemande à peine partie, des cars débouchent de la route de La Cluse…pleins d’uniformes allemands. Ce sont des uniformes en guenilles sur des hommes présentant un type asiatique accusé : ce sont des Mongols, des Tartares, des Cosaques.
Les allemands les envoient écumer les régions qu’ils veulent châtier.
Ils logent à l’école ménagère, et partent en colonne piller, saccager et violer les femmes dans les montagnes et villages environnants.
Le mardi 19 juillet, une patriote d’Izernore était sauvagement égorgée à l’Hôtel de France.
Ces Mongols restèrent une semaine à Nantua, qu’ils quittèrent le lundi 24 juillet.”

A l’hôpital :

“Nous avons vu que lors de l’avancée rapide des Allemands, une ambulance avait été rattrapée. Les blessés furent ramenés à l’hôpital où se trouvait une dizaine de blessés intransportables. Quatre blessés allemands, prisonniers des F.F.I., y étaient aussi en traitement. Les grandes blessés sont ainsi interrogés chaque jour et tourmentés, à tour de rôle, par le Allemands, la Gestapo et la Milice.
Finalement la S.D., la fine fleur de la Gestapo, désigne sept blessés qui doivent être mis à part.

Le 15 juillet la Milice fait irruption à l’hôpital, emmène neuf blessés, huit eurent la vie sauve et transportés dans un hôpital de Bourg.
Le neuvième, hélas, Boby Gaillot, était un ennemi déclaré de la Milice ; il leur avait déjà été arraché une fois à Bourg, quelques semaines auparavant. Il fut abominablement torturé à Bourg, puis fusillé.

Le mercredi 19 juillet, les allemands arrivent en nombre à l’hôpital, accompagnés de Waffen SS français. Ils font charger l que le S.D., avait désignés, dans un camion à benne basculante, et les emmènent, à quelques kilomètres de là, dans une carrière de Montréal.

Photo plaque La X chalon Leurs corps seront retroiuvés là, alignés sur deux rangs, à même le sol, mitraillés. Trois d’entre eux avaient déjà été pris comme otages à Saint-Rambert, fusillés, ils avaient été laissés pour mort sur le terrain.”

Rapport gendarmerie-Témoignage de Fernand Geoffray

Après la Tourmente :

“Nantua était délivrée de ses bourreaux, le mois d’aout se passa le mieux du monde, grâce à la bonne volonté de chacun. L’administration suppléant les cadres, le ravitaillement fut assuré par des commerçants dévoués.

Aussi les premières jeeps estafettes américaines qui traversèrent Nantua à la fin du mois d’aout ne suscitèrent pas chez nous, l’enthousiasme qu’elles soulevèrent dans la France entière. La population était sur le qui-vive, personne n’osait s’avancer. Les enfants s’approchèrent les premiers des américains et revinrent les doigts poisseux de chewing-gum.

Deux jours après arrivèrent les F.F.L. (Forces française libre) Elles apportaient l’assurance de la Libération définitive et furent reçues avec l’enthousiasme qu’elles méritaient.

Le P.C. du Capitaine avait averti les notabilités de la ville de l’approche des troupes.

Ces notabilités se portèrent à l’entrée de la ville. Les troupes arrivèrent, nouba en tête, et, se dirigèrent vers le Monument aux Morts. Une minute de silence, puis se fut l’entrée dans Nantua en délire. Ils restèrent trois jours à Nantua.

Le 17 septembre, l’A.S. de Nantua organisa une solennelle prise d’armes pour fêter son retour dans la région.

Le 27 septembre, nous avions la joie de fêter le retour de nos neuf compatriotes prisonnières à Drancyn : Mmes Vercher, épouse du commandant de la prévôté, Brunet, eBosch, épouses de gendarmes, Odette Borgis, Anne Ulliet, Terrier, Boichot. Mme Erlich déportée comme juive à son arrivée à Drancy rentrera d’Auschwitz (ndlr)

La vie reprenait son cours dans la liberté, mais nous étions inquiets au sujet de nos camarades déportés. Les nouvelles étaient de plus en plus rares.

Ce fut le retour à la légalité républicaine. Le Comité local de la Libération fut installé le 23 octobre.

Le 16 décembre, la population s’assemblait au cimetière et rendait un suprême hommage à la mémoire de Charles Poncet. Il faisait partie du 2ème bureau, membre du réseau Coty, il fut arrêté le 30 mai 1944, à Chambéry. Longuement interrogé, il refusa de parler et fut fusillé le 21 juin 1944. Charles Poncet est l’un de nos plus glorieux compatriotes “. (son nom a été gravé à tort, plus tard, sur la stèle située au stade nautique. ndlr)