ll y a soixante ans… le 14 décembre 1943
Texte écrit pas les élèves de 3è C du Collège Xavier Bichat de NANTUA – Décembre 2003
Pour eux tous
Réunis dans ce train maudit
L’espoir était encore permis
Il ne s’agissait peut-être
Que d’un contrôle d’identité
A y penser quelle naïveté
Mais pour Marcel une nécessité
Choisir entre ses deux cartes
Garder ou jeter la vraie
Le choix s’imposait
Il garda la vraie
A Bourg on l’enregistra sur un grand cahier
Et comme les autres
Il prit le chemin des condamnés
Heureusement sa déportation
Ne fut pas achevée
Car du train il a pu sauter
Et échapper à un enfer
Mais dans sa mémoire est gravé
Le regard des malheureux
Qui ont eu peur de s’évader
Et ont perdu leur liberté
Dans la nuit du 16 décembre 1943
Les voici aux portes de l’enfer
A Compiègne
En région parisienne
Dans le camp de Royallieu
Ils vivront trois semaines
En pensant à leur montagne
Dans l’antichambre du bagne
Le samedi 22 janvier 1944
Début d’un voyage épouvantable
Tous debout
Tous serrés
Tous mortifiés
Tous condamnés
Au mépris
A la folie
A une mort programmée
Par ceux qui ont perdu le sens de l’humanité
A Buchenwald
Hradischko
Ou Dora
Dans ces camps aux noms froids
Camps de concentration
Où Les Nazis
Les kapos
Les barbares
Anéantissaient
Meurtrissaient
Déshumanisaient
Les malheureux de Nantua
Ont connu l’inimaginable
L’impensable
L’innommable
Arrivée en enfer
Perte de repères
Tatouage au bras
Perte d’identité
Tenue de bagnard
Perte d’humanité
Vies à jamais gâchées
Pour ces hommes condamnés
Aux travaux forcés
Dans cet univers clos
Soumis à la violence des kapos
Aux ordres de SS brutaux
Ou aux essais médicaux
Nos hommes vaillants
Courageux
Et résistants
Ont dépéri
Atteints de maladies
Amaigris par la faim
Tenaillés par le froid
Rongés par la saleté
Dévorés par le sommeil et la fatigue
Peu a peu leurs corps se sont effacés
Ombres parmi les ombres
Ils ont marché
Sur les pas de tous les prisonniers
Victimes désignées
Par le hasard d’être nées
Juives
Tziganes
Homosexuelles
Ou par leur choix délibéré
de lutter pour la liberté
en résistant
en s’opposant
aux agresseurs
aux oppresseurs
aux fossoyeurs
d’une humanité oubliée
Dans ces camps de concentration
Dans ces camps d’extermination
Beaucoup sont morts
Tous ont souffert
Dans cet enfer
De feu
De sang
De brutalité
Henri
17 ans
Était élève à Nantua
Il était souriant et agréable
Mais ce jour de décembre 1943
Son destin bascula
Quand il fut désigné par des soldats
Il fut ensuite emmené à la gare
Avec ses amis et professeurs
Devenus ses compagnons
Dès qu’on les projeta dans le wagon
Où trop serrés
Ils avaient du mal à respirer
A Compiègne
Les soldats ouvrirent enfin la porte
Et tout le monde sortit
Un par un
Formant une colonne funèbre
En partance pour un premier camp
Pas encore de concentration
Ici Henri put quand même recevoir
Lettres et colis
De la part de ses parents meurtris
D’avoir vu partir leur cher petit
Pour lui ces mots reçus
Furent un dernier bonheur
Avant le temps de l’absolue terreur
Gabriel Gay
Mais devant le danger il ne recula
Et ignora les conseils de ses curés
Qui lui indiquaient de rester à l’abri
En attendant le départ des nazis
C’est ainsi qu’en début d’après-midi
Il partit dans le froid
Sandales aux pieds
A l’autre bout de Nantua
Instruire des enfants
Qui ne le virent jamais arriver
Car lui aussi se fit arrêter
Et dut rejoindre ses paroissiens
Prêts à monter dans le train
Embarqué avec eux dans un wagon-prison
Très vite l’abbé comprit quel serait leur destin
Il voyait la souffrance
La misère
La mort
Au bout du chemin
Mais quand l’idée de l’évasion
Germa dans le cœur de certains
Il refusa la liberté
Car il sut quelle était sa mission
Rester auprès de ces hommes perdus
Meurtris
Déjà anéantis
Veiller sur leur santé
Les encourager
Les aimer
Étouffant sa propre souffrance
Jamais l’abbé ne renonça
Ne se découragea
Et jusqu’au bout il aida
Réconforta
Écouta
Ses compagnons de misère
Refusant la soumission
Dans les camps de concentration
Il continua à servir Dieu
A soutenir les miséreux
Mais son courage exemplaire
Sa dignité tranquille
Son besoin de spiritualité
Irritèrent les chefs de camp
Qui se promirent de le punir
Et le 11 avril 1945
A 9 heures
Il mourut
Victime d’une sauvage exécution
Après avoir lancé ces mots
«Que la volonté de Dieu soit faite»
La veille il avait dit
«Si ma pauvre vie peut faire cesser ces massacres je l’offre volontiers.»
Il ne s’était pas trompé
Une heure après son exécution
Un ordre du commandant
Interdisait de tirer sur les prisonniers
Car le camp allait bientôt être démantelé
L’abbé Gabriel Gay mourut à Hradischko
Un mois avant la fin de cette guerre
Mais les nazis n’ont pu tuer
« Ce bel exemple de courage et de piété»
«Que la volonté de Dieu soit faite»
La veille il avait dit
«Si ma pauvre vie peut faire cesser ces massacres je l’offre volontiers.»
Il ne s’était pas trompé
Une heure après son exécution
Un ordre du commandant
Interdisait de tirer sur les prisonniers
Car le camp allait bientôt être démantelé
L’abbé Gabriel Gay mourut à Hradischko
Un mois avant la fin de cette guerre
Mais les nazis n’ont pu tuer
«Ce bel exemple de courage et de piété»
Et quand le jour s’est à nouveau levé
Chassant la nuit
Le froid
La folie
Quelques survivants
Ont parlé
Et ont pu regarder
La lumière d’un jour nouveau
Après les évacuations
Les libérations
Ou pire les exécutions
La liberté leur était enfin donnée
Mais dans leur cœur
Mille douleurs:
Humiliation
Soumission
Impuissance
Souffrance
Quelle liberté attendait ces hommes
Squelettiques
Malades
Affaiblis
Presque anéantis
Arrivant à l’hôtel Lutetia ?
Un peu de réconfort
Un peu de chaleur humaine
De générosité
Quelques plaisirs oubliés
Manger
Se réchauffer
Sourire
Dormir
Être écouté
Avant le grand retour
Sur la terre de naissance
Pour une renaissance
Un retour à la vie
Là-bas
Attente des familles
Un train arrive
Tous espèrent des retrouvailles
Mais dans l’attente de qui, de quoi sont-ils là ?
Espèrent-ils retrouver
Un fils
Un père
Un frère
Un ami
Un voisin ?
Enfin ils surgissent
Tous affaiblis
Tous anéantis
Des corps brisés
Impuissants
Humiliés
Personne n’aurait imaginé
Retrouver
Des vivants morts
Des morts vivants
Tués dans leur corps
Tués dans leur cœur
Emprisonnés par la peur
Laissée par les souvenirs
Qui ne cesseront de les hanter
De les poursuivre
Alors quand ils se seront reconstruits
Quand des jours et des nuits seront passés
Une crainte terrible surgira
Et si tout recommençait
Et si les hommes perdaient à nouveau la raison
Et si leurs enfants devaient aussi subir cette folie
Pour écarter ce danger
Certains ont su
Quelle était la nécessité
Parler
Témoigner
Se mobiliser
Militer
Expliquer
S’engager
Hurler
Crier
Les bienfaits de la paix retrouvée
Qui jamais ne devra être sacrifiée
Oubliée
Bafouée
Et après eux leurs enfants
Ont compris
Ont écrit
Ont transmis
Un message de paix
Un message d’espoir
A notre monde encore meurtri
Et pas totalement guéri
De la barbarie et de l’oubli
Alors à nous de porter bien haut
Les plus beaux idéaux
Et de faire progresser la tolérance
La fraternité
Et l’amitié
Entre tous les peuples du monde entier
Auteurs :
Loïc BERTHET-BONDET
Lolita BRUNIER
Yvonne DANA
Ibrahim EDDAHCHOURI
Mounia EL MASBAHI
Léo FAVRE
Loïc GOMES DUARTE
Emmanuel GOUJON
Pierre GOURMAND
Amélie GUILLOT-VIGNOT
Filiz HABBULOGLU
Abdelali KEMMOUN
Onur KONAK
Adrien LOPES
Fabien MAIRE
Mathieu MAISONNETTE
Anne-Sophie RAMJEE-NOLO
Yvanna ROMANET
Gaëlle SAVRE
Jean-Billy THOMASSET
Ibrahim TUNCA
Umit USLU
Sylvain VUGIER