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Réaction occupant Bellegarde Bellegarde

Le mardi 6 juin 1944, les alliés débarquent sur les côtes de Normandie. La veille les ordres de déclenchement des différents plan vert, violet…. sont bien passés à la B.B.C..

Le chef du secteur C4 : Edmond FENESTRAZ (GALIN de son nom de guerre) reçoit l’ordre suivant : « A partir de ce soir 22 heures, les forces de l’A.S. devront passer à l’action. Toutes les destructions prévues au plan vert devront être exécutées : coupures des routes, des voies ferrées, des lignes téléphoniques et télégraphiques, attaque des postes allemands isolés, arrestation des éléments suspects, occupation du territoire conquis”.

Aussitôt les liaisons partent. L’A.S. de Chanay gardera le pont de la Dorche ; celle de Génissiat tiendra le barrage, la voie ferrée et le col de Richemont, Billiat, Vouvray et Chatillon verrouilleront les routes de la Michaille. La résistance de Bellegarde barrera les routes de Genève et de la Savoie et occupera la poste et la gare.

Pour Bellegarde, les hommes doivent se réunir à la Poudrière. Ces mouvements ne manquent pas d’éveiller l’attention des Allemands qui préviennent la gendarmerie.

A la Poudrière, les volontaires sont armés. Hélas ! beaucoup d’appelés, peu d’élus. Les armes manquent: 4 FM, 6 carabines, 20 fusils, 40 mitraillettes et une douzaine de revolvers de tous calibres pour 150 hommes.

La nuit est venue. Les groupes gagnent leurs positions. Les douaniers en armes, conduits par le lieutenant SANSON, vont se mettre à la disposition du chef FENESTRAZ. On récupère les armes des gardes-voies. Un agent de liaison est envoyé à la gendarmerie. Mais il faut toute l’insistance de MONVAL pour décider les gendarmes à rejoindre les forces de la Résistance.
Grâce à un câble téléphonique de secours qui n’était pas connu de la résistance et une liaison radio, la garnison allemande de Bellegarde réussit à prévenir la kommandantur d’Annemasse ou de Gex qui envoit deux camions de soldats en renfort.

C’est à Vanchy que se produira le premier choc. Selon le témoignage de Francis DESSAYMOZ, le groupe chargé de défendre la route au dessus du pont du Nambin est mis en difficulté faute d’un armement efficace. Les deux frères ZANARELLI et CHAPPAZ meurent en combattant tandis que Joseph VIVIAND et Arthur SOGNO seront blessés. VIVIANT pourra être évacué à Cherbois et soigné par Mme SERNAGLIA. Arthur SOGNO, blessé à un pied, est capturé par les Allemands. Fait exceptionnel, il ne sera pas abattu mais déporté au camp du STRUTHOF puis à ALLACH en tant que N.N. (matricule 24039). Il reviendra.

Le combat continue dans la nuit qui s’achève. A 4 heures du matin, les Allemands reçoivent des renforts qui tentent de progresser par-dessus le tunnel du Credo.

Les Allemands assiégés dans leur cantonnement de l’hôtel des Touristes tirent quelques coups de feu mais sont rapidement calmés par deux grenades Gammont lancées depuis la gare par CHEVALLIER, pendant qu’ACCIARI les arrose au FM depuis le jardinet du buffet de la gare.

A 6 heures, une soixantaine d’Allemands débouche du tunnel du Credo. Une équipe de poseurs qui déboulonnaient la voie sous la protection de trois mitraillettes se replie. Mais ROUX, l’un des poseurs, est tué. Plus tard et pour éviter le renouvellement de cette infiltration, le tunnel du Credo sera obstrué par une rame de wagons qu’on y fera dérailler. Lentement, en tiraillant, les Allemands s’infiltrent dans la ville. Devant leur supériorité en armement, les forces de la résistance se retirent en bon ordre espérant également éviter des représailles sur la population non combattante.

Le 8 juin à l’aube, un autre renfort allemand venant de Seyssel se heurte au groupe GRUBIN-GUERITCH qui défend le pont de la Dorche. Les Allemands se retirent après une journée de vif engagement mais GUERITCH et PORTIER ont trouvé la mort.

Pendant ce temps, les groupes se reforment et se rassemblent aux environs de la ville de Bellegarde sans être poursuivis. Toute la journée des patrouilles circulent, des coups de feu isolés claquent. Pour l’instant les civils ne sont pas inquiétés. La garnison allemande renforce ses retranchements de l’hôtel Terminus. Puis, dans la nuit du 9 au 10, elle quitte soudainement la ville, craignant sans doute une contre-attaque.

Samedi 10 juin, un jour nouveau se lève et les habitants n’osent en croire leurs yeux et leurs oreilles. A midi, deux camions de résistants font leur entrée dans la ville, conduits par MONVAL. Le colonel ROMANS-PETIT, chef militaire départemental, arrive dans la soirée et la population massée devant le monument aux morts applaudit son allocution. Le P.C. s’installe à l’Hôtel de Ville et M. BATON, l’un des dirigeants civils de la résistance bellegardienne, prend la tête du comité de libération, c’est-à-dire devient le Maire d’un Conseil Municipal provisoire qui prend la place de la délégation spéciale mis en place par le gouvernement de Vichy pendant l’occupation.

Les chefs de trentaine EON et BARBIER occupent le Fort-l’Ecluse vers 17 heures. Eon commande le fort supérieur, Barbier le fort inférieur. Le groupe FRANCOIS verrouille la vallée de la Valserine sous le col de la Faucille.

Le secteur Cristal 4 est devenu un réduit montagnard que les Allemands, réorganisés après leurs premiers insuccès, vont s’acharner à reconquérir car la situation géographique de la ville, carrefour routier et ferré, est déterminante.

La contre-attaque contre le Fort-l’Ecluse le dimanche 11 juin est repoussée malgré l’arrivée en renfort, du côté allemand, d’un groupe de miliciens et les tirs des canons installés sur le Vuache. On a cité alors l’efficacité exceptionnelle de RUGGERI et AMAR, tireurs aux F.M. et bazookas. Le sous-lieutenant de réserve Louis JACQUET, accompagné de CATIN et ABBIATI, vient assister les cadres de l’A.S.. En même temps les allemands attaquent depuis la Savoie. Le groupe CHARLES et quelques hommes de l’A. S. de Bellegarde contre-attaquent et occupent Eloise dans la nuit. Victor BRIQUE de l’A.S. de la Semine et 2 civils sont tués. Mais le lendemain, lundi 12 juin, protégés par le brouillard et un tir d’artillerie, les Allemands réussissent à contourner le fort par la voie du chemin de fer et déferlent sur Longeray qui est mis à sac. Les maquisards n’ont plus de munitions, ni de vivres depuis la veille.

Le Fort-l’Ecluse contourné, sa défense devient inutile, il faut l’évacuer. Cela se fera par le fort supérieur et la montagne jusqu’au Sorgia.

Un agent de liaison envoyé à Bellegarde pour demander des munitions est pris pour un imposteur et jeté en prison. Il faudra l’arrivée de ses camarades, inquiets de son absence, pour qu’on le relâche. Toujours les problèmes de liaison qu’on a du mal à comprendre à l’ère des téléphones portables.

Les Allemands occupent Longeray où ils se livrent au pillage est abattent trois personnes. Le camp JO, monté en renfort devant le Fort l’Ecluse, subira un assaut sévère en avant de Longeray, laissant quatre morts et cinq prisonniers. Plusieurs blessés sont évacués sur Bellegarde.

Le lendemain mardi 13 juin, les combats font rage sur les pentes du Credo. Les camps TONY, PAULY et MICHEL des maquis du Haut-Jura sont venus en renfort. Les pertes sont importantes, dont le lieutenant PAULY. L’A.S. de Bellegarde, toujours sous le commandement de JACQUET, se porte en barrage à Grésin mais est contournée par le Credo. De retour à Bellegarde, après un repli difficile, le groupe se reforme et prend position à Bellevue avec pour mission de tenir pour permettre l’évacuation de la ville. Le groupe ROLAND est installé au-dessus de Ballon, à « La Forêt » et son P.C. est au café URPIN à Ballon. Le soir, il lui faudra se replier. Fait exceptionnel, on signale que quelques maquisards ont été faits prisonniers mais envoyés en déportation au lieu d’être abattus comme c’était l’usage.

Le plateau de la Semine sera à son tour le théâtre d’événements qui intéressent Bellegarde au premier chef. Le 13 juin, la menace se précise, venant de Haute Savoie :

L’A.S. d’Eloise, placée à l’articulation entre les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie, devait faire face à une situation dangereuse car elle était partie prenante dans les actions organisées par la résistance de Haute-Savoie et devait aussi participer à la protection de Bellegarde et du défilé de Fort-l’Ecluse. Malheureusement, les Allemands n’étaient pas seuls en cause. En effet, le corps de gendarmerie de St-Julien-en-Genevois, commandé par le capitaine SOCIE, participait activement à la lutte anti-résistance. C’est ainsi que le 13 juin, le capitaine SOCIE, à la tête de deux voitures de gendarmerie, réussit à arrêter deux maquisards. Il est pris en chasse puis bloqué devant un barrage de l’A.S. de Frangy. Les deux prisonniers sont délivrés mais le gendarme STEITGER, membre de la résistance à l’insu de son chef, est malheureusement tué.

Le lendemain 14 juin, l’A.S. d’Eloise, compagnie des « Sans Pardon » affrontait cette fois les Allemands. Prévenus qu’une colonne allemande de 5 véhicules montait en direction de Bellegarde, venant du pont Carnot en contournant le Vuache, les résistants avaient reçu pour mission de protéger Bellegarde. Huit hommes seulement, armés de 2 FM, s’embusquent près de la Croisée des routes . Surpris par un feu intense, les cinq véhicules sont bloqués. Les victimes semblent nombreuses chez l’ennemi qui ne parvient pas à se dégager. Mais ce que les maquisards ne savent pas, c’est que ce groupe n’est que l’avant-garde et que, hors de portée de vue, vingt autres véhicules sont arrêtés dont les occupants vont effectuer par Eloise et Clarafond un mouvement tournant pour surprendre les maquisards par derrière. Une circonstance fortuite les sauvera. Le canon de leur fusil-mitrailleur, échauffé par l’intensité du tir, est hors d’usage. Il faut le changer mais le canon de rechange s’enraye aussitôt. Privés d’arme automatique, les résistants décident de se retirer. Ils réussissent un repli difficile en direction de Bellegarde en utilisant le fossé de la route, juste assez tôt pour échapper, sans le savoir, à l’encerclement. La situation devient délicate pour les « sans pardon », Louis DUCENTI, Gaston NINET et Camille TOMASI furent tués.

Un habitant de la région, requis par les Allemands pour accueillir les blessés dans sa maison et les soigner, affirme que, pour emmener leurs morts, ils durent utiliser deux camions mais avaient dissimulé les corps sous des branchages.

Alors, le Lieutenant MONTREAL, depuis Bellegarde, envoie le camp CHARLES pour soutenir l’A.S. d’Eloise. Pendant la journée du 14, une rude bataille se développe sur le plateau de la Semine. Les maquisards résistent toute la journée mais perdent deux hommes et comptent une vingtaine de blessés. Les Allemands son déchaînés. Ils incendient trois maisons et assassinent quatre personnes : Joseph DUPRAZ, ZANARDI père et fils et Madame PERRIER ; Ils ont mis en batterie une pièce d’artillerie. Une ferme, touchée par un obus incendiaire est en flammes. Un nouveau renfort arrive de Bellegarde. C’est le camp JO qui vient au combat malgré les pertes qu’il a subies devant le Fort-l’Ecluse. La situation est devenue intenable et le retrait sur Bellegarde est décidé.

Les combattants repassent le pont provisoire sur le Rhône en fin d’après-midi et incendient le tablier afin de gêner une éventuelle poursuite des Allemands. Là, le colonel ROMANS en personne les accueille et les félicite pour leur courageuse défense.

La colonne allemande se retirait et le soir même le pont provisoire près de la papeterie à Bellegarde était détruit par l’A. S. par mesure de sécurité. Il semblerait que cette colonne allemande à vocation répressive, composée d’éléments cosmopolites, soit celle dont les exactions ensanglantèrent le Haut-Jura à la fin du mois d’Août.

A Bellegarde, toute résistance est devenue inutile. La supériorité du nombre et de l’armement ont eu raison du courage des maquisards. Bellegarde est de nouveau occupée. Les Allemands fouillent les maisons et pillent. Une rafle regroupe sur la place Carnot un grand nombre de Bellegardiens pris en otages. On peut craindre le pire. Heureusement, il n’y aura pas de représailles massives. On se demande encore pourquoi, car, dans des circonstances semblables, d’autres villes ont payé chèrement leur attitude résistante.

« Faut-il y voir, dit le Colonel Romand dans son livre « les obstinés », le résultat de l’affiche que nous avions fait apposer dans toute la ville une heure avant notre départ. Nous y laissions supposer d’une part que la population nous faisait grise mine et d’autre part nous adressions à nos ennemis un avertissement. D’ailleurs, le voici :

“Habitants,

Les mesures que nous avons prises ont toujours été supportées par vous calmement et nous espérions arriver à vous convaincre que nous servions vos intérêts.

Depuis quatre jours, nous avons repoussé toutes les attaques, mais aujourd’hui je donne l’ordre de repli sur les hauteurs environnantes.

Restez dignes.

Et dites-vous bien que si l’ennemi méprisait les lois de la guerre, usait de représailles à votre égard, nous fusillerons immédiatement les prisonniers allemands que nous détenons.

Mais je veux croire que notre attitude sera comprise.

Nous, nous continuons la lutte pour vous libérer, libérer la France. »

Le 14 juin 1944,

Romans, chef départemental FFI de l’AIN “. 

De nouveau maîtresses de Bellegarde, les troupes d’occupation instaurent le système de terreur qui devait leur assurer, croient-elles, la neutralité de la population. Le couvre-feu est établi de 20heures à 6 heures du matin. C’est-à-dire qu’on tire à vue, sans sommation, sur toute personne circulant dans la rue pendant cette tranche horaire. Les MAIRES de Bellegarde, Arlod et Coupy sont mis en demeure de placarder dans toute l’agglomération l’affiche suivante : (en attente)