Reçu en juin 1941 à l’École Normale, je rejoins le Lycée Lalande en seconde. Rencontre avec Marcel THENON qui achète ses livres d’occasion chez Paul Pioda. Il apporte le premier journal clandestin “Libération”. Immédiatement notre décision est prise: entrer dans la Résistance.
Sous l’autorité de Paul PIODA, nous créons en octobre 1941 la première sizaine “Libération” au Lycée Lalande, qui sera suivie d’une seconde puis d’une trentaine en fin d’année (élèves de seconde et première ). Parallèlement nous créons plusieurs sizaines à Bourg qui deviendront avec le temps et l’équipement nécessaire de véritables petits groupes francs.
De septembre 1941 à juin 1942 : distribution de tracts et journaux clandestins. La victoire de BIR HAKEIM donne un nouveau souffle à la Résistance.
Les internes de Lalande créent des sizaines dans leurs communes d’origines : Pont-de-Vaux, Nantua, Bellegarde, Oyonnax, Belley. A la rentrée scolaire 1942, Marcel THENON est nommé responsable départemental des jeunes de Libération et je deviens officiellement son adjoint, étant bien moins libre que lui (interne au Lycée Lalande ). C’est aussi l’arrivée de filles du Lycée Quinet et la création de la première sizaine à Carriat avec mon plus jeune frère.
Octobre 1942 : Nous recevons notre première Sten. Alors commence pour les jeunes une nouvelle activité : apprendre à monter et démonter cette mitraillette. Certains bénéficient aussi d’un apprentissage à utiliser les explosifs (plastic, etc…).
C’est en novembre 1942 que nous changeons de nom suite à la création des M.U.R. (Mouvements Unis de la Résistance) Les jeunes de ces mouvements : Libération,Combat et Franc-tireur sont réunis pour former les FUJ (Forces Unies de la Jeunesse). Dans l’Ain cela ne change pas grand chose car seuls les jeunes de Libération ont une organisation propre.
En octobre c’est aussi notre première rencontre avec Henri BAILLY, un des futurs responsables nationaux de notre organisation.
Au lycée Lalande arrivent M. BOURGEOIS, Surveillant Général, qui aura une mort glorieuse avec la 5ème Cie FUJP lors des combats du Pont de Chazey le 31 août 1944 et Hugues BARANGE, Professeur auxiliaire,un de nos responsables nationaux (mais nous ne le savons pas) qui sera fusillé dans la banlieue de Lyon en août 1944.
11 novembre 1942 : Nous participons nombreux à une manifestation silencieuse au Monument aux Morts de Bourg.
L’arrivée des Allemands à Bourg mobilise davantage les jeunes. On défile dans les rues pour aller au terrain de sports en chantant «Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine», encadrés par notre Prof.Marcel Cochet. Le recrutement contient plus de deux trentaines à Lalande, deux sizaines à Carriat, trois groupes francs en ville et des groupes dispersés dans l’Ain – Journaux et tracts sont diffusés partout, certains participent à des parachutages.
A la rentrée de janvier 1943, la direction nationale FUJ basée à Lyon confirme Marcel THENON Chef Départemental et je suis confirmé comme étant son adjoint plus spécialement chargé d’un service renseignements. Ce service est au point dès le mois de mars et chaque semaine la liste de “Bons Bourgeois Bressans ” qui ont rejoint “surtout le soir” les rangs du PPF (Parti Populaire Français – de Vichy -) et de la collaboration s’allonge et Lyon est informé.
Mais en février la loi sur le STO va perturber nos plans.
Il faut maintenant et en urgence aider les jeunes requis à se cacher, puis leur trouver des lieux de vie sécurisés. Jusque là on cache quelques jeunes recherchés par la police de Vichy dans des fermes du Bugey.
Avec le nombre, ce n’est plus suffisant et ne correspond pas à ce qu’attendent ces jeunes qui veulent lutter contre l’envahisseur. Il faut créer de véritables maquis avec des encadrements. Ce sera l’affaire des adultes. Pour notre part, nous décidons avec Marcel THENON de détruire les fichiers d’appel au STO dont les services sont rue St Antoine à Bourg. L’opération est montée avec un groupe franc des FUJ de Bourg : POBEL, les frères MARTIN, etc… deux des FUJ travaillent dans le service : BOLLON et ROY. La première tentative est annulée, la police ayant été informée. Une deuxième tentative a lieu le 21 mai 1943,mais le supposé ” donneur ” n’a pas été informé, l’opération réussit parfaitement entre 12 heures et 13 heures et tous les fichiers sont détruits l’après midi. Mais cette fois le donneur de date va donner les noms. Tous les participants sont arrêtés le 22 mai plus Marcel THENON le 23 mai avec qui j’avais participé à l’organisation. Ayant assisté sous un faux nom, je suis recherché pendant deux jours aux entrées et sorties du lycée Lalande – mais je suis interne.
La direction des FUJ à Lyon est informée, mais à la veille du bac je reste à Bourg où je remplace Marcel THENON à la tête des FUJ de l’AIN – Mais on m’informe qu’au cours des vacances, je rejoindrai Périgueux, sous un faux nom pour remplacer le responsable FUJ qui vient d’être arrêté.
16 et 17 juin : épreuves du bac
Le 18 juin au matin j’apprends par Marcel COCHET notre Prof. de Gymnastique que la police spéciale de Lyon est à Bourg et plus spécialement à Carriat. A midi en rentrant chez mes parents boulevard de Brou, la police m’attend. Elle a caché sa voiture rue Bara. Emmené au commissariat de police en attendant d’être interrogé, j’apprends par un garde que j’ai été dénoncé par HOUPPERT (dit COBRA pendant son passage aux maquis de l’Ain) un jeune de Carriat qui est un fervent des FUJ.
Les bressans apprendront 13 mois plus tard qu’il est un agent de renseignement allemand.
Après jugement, il sera fusillé par les maquisards de l’Ain.
A cette époque, en juin 1943, les FUJ comptent environ 400 membres dont une centaine au Lycée Lalande. Ceux de Bourg formeront la 5ème Cie FUJP des maquis de l’Ain, les autres rejoindront des unités proches de leurs domiciles en juin 1944.
Devant le juge d’instruction je nie mon appartenance à la résistance organisée et reconnais avoir donné à HOUPPERT un journal et un tract que j’avais trouvés. – idem devant la commission spéciale de Lyon à la Préfecture, malgré les coups et tortures.
Marcel COCHET est arrêté vers 14 heures. Il me rejoint au commissariat. On lui reproche ses attaches avec PIODA qui a été arrêté quelques semaines avant et envoyé comme Interné Administratif à St Paul d’Eygeaux. Le 19 juin les interrogatoires continuent toute la journée. Le dimanche 20 juin à midi j’apprends par un garde que le juge d’instruction aurait demandé ma remise en liberté. A 18 heures on m’annonce que le préfet de l’Ain s’y oppose.
Lundi 21 juin je retourne au parquet, je reviens à midi au commissariat. A 15 heures, transféré au palais de justice, j’attends … à 16h45 de nouveau au cabinet du juge qui m’annonce ma remise en liberté en attendant le jugement. Retour au Commissariat et à 19 heures j’arrive à pied chez mes parents Boulevard de Brou, surpris mais heureux.
Le 22 au matin, Lyon m’informe que dans les 48 heures j’aurai ma fausse carte d’identité accompagnée de ma feuille de route.
A 16h15, je suis de nouveau arrêté sur ordre du préfet pour être envoyé au camp de St Paul d’Eygeaux, avec Marcel COCHET. Le départ sera repoussé plusieurs fois.
Le 23 juin à 16 heures le parquet notifie à Marcel COCHET et à moi-même notre arrestation et notre incarcération à la prison de Bourg. La suite sera, toujours avec Marcel COCHET, une tentative d’évasion avec l’aide du Dr Gustave LEGER mais qui sera annulée – notre transfert à la prison St Paul à Lyon – notre condamnation dans deux affaires distinctes par le tribunal spécial de Lyon – notre transfert en décembre à la centrale d’Eysses – notre participation active à la tentative d’évasion de toute la centrale le 17 février 1944 où je suis agent de liaison du Lieutenant NEES – puis notre transfert à Compiègne – enfin le 18 juin 1944 notre départ pour Dachau et ensuite notre affectation au Kommando d’ALLACH d’où je partirai, quelques jours après la libération du camp pour rejoindre la 2ème D.B ( 40ème RANA ) et mon retour à Bourg en Bresse le 22 mai 1945.