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Caporale P.C. “Vagabonds de l’Honneur” Pierre G Jeanjacquot

L’État-major Départemental joue de chance en cette première journée. Ayant évacué son cantonnement depuis trois jours (les incursions des G.M.R. signifiant qu’il était repéré), il échappe à la colonne d’assaut dirigée contre Michel et au bombardement aérien qui détruit les ferme du Fort et de Pray-Guy. C’est au nord-ouest de de Brénod qu’il campe.

Claudius Marbeaud qui s’est traîné pendant quatre heures et demi dans la neige pour ne pas être capturé est apporté inanimé au P.C. par le fermier de la Gouille. C’est de là qu’un montagnard courageux et dévoué, Achille Larçon, l’emmène et le cache chez lui, à la Rivoire, hameau du Balmay, malgré les risques qu’il encoure. Objet d’un dévouement constant, soigné en secret pendant dux mois par le Docteur Rossand (?) de La Cluse, Claudius guerit. C’est à Napt, où il passait sa convalescence dans la famille Treuillet qu’il devint le terrible chauffeur de Werner, chef d’un nouveau groupe-franc..

Claudius Marbeaud évadé de la prison de Trévoux, en juin 1943, avait été condamné pour sabotage à 20 ans de travaux forcés par la cour spéciale de Lyon.

Chapuis d’Hauteville, parti en liaison est arrêté. Au poste de commandement, c’est la seule victime. Il fut fusillé au Fort Montluc..

Le soir un parachutage est annoncé, aux alentours de Corlier, Xavier s’y rend, mais le temps bas interdit l’opération et l’officier britanique ne réaparaîtra pas.

Le 8 février, à 4 heures, la garde signale quelques fusées et donne l’alerte. La matinée se passe à surveiller l’ennemi qui tente des sondages à un environ. Le village de Brénod est encerclé. Imperturbable, le capitaine Paul cable à Londres et mentionne le critique de la situation.

Dans l’après midi 14 camions tractant de l’artillerie s’arrêtent à Brénod. Un bimoteur effectue un vol rasant et lance des fusées. Mitrailleuses et mortiers appuient l’infanterie qui donne l’assaut à Pray-Guy….évacué la veille. Mais le poste d’observation signale qu’un détachement monte dans sa direction depuis le cimetière.

Sous la direction de Maxime le groupe de commandement s’enfonce dans les bois. Paul rassemble les postes et rejoint ses camarades. L’ennemi a déjasdéclenché son action, crible les chalets et les incendie. Pauvrement armés (quelques mitraillettes et des grenades) les gars du Maquis ne songent pas à résister : ce serait se vouer à l’anéantissement. Ils se dissimulent tandis que les assaillants rendus méfiants restent en lisière du bois.

Le groupe décroche, emportant grenades et munitions, au détriment du ravitaillement. La neige leur arrive au ventre. Maxime prend la tête, relayé par Marius et Julien Roche. Boussole et carte en main il met le cap au sud-est sur Lantenay.

La région est infestée d’Allemands. Par moment se distinguent des appels, des ordres brefs. Les routes sont traversées avec prudence : les souliers emboîtent les empreintes des bottes des patrouilles pour ne laisser aucune trace. Au loin le canon tonne et s’acharne.

A la nuit le groupe atteint la lisière de la forêt, Lesombre et Julien Roche sont volontaires pour éclairer l’approche et recueillir des renseignements au village. Les troupes n’y sont pas et un fermier offre sa grange.

Le lendemain, il repart à 4 heures. Sa présence a passé inaperçue. Maxime l’entraine dans le Sud, et à Izenave il tachera d’entrer en contact avec Chabot. Tintin, soucieux de ses fonctions s’EnqueIe du ravitaillement.

A la tombée de la nuit, Chabot les rejoint. Les Allemands crient à quelques centaines de mètres, s’affairent autour des camions en panne. Les fermes brûlent, le bétail affolé mugit. Une maison abandonnée permet une nuit de repos.

Le 8 février à 5 heures, la colonne se reforme. Chabot, chef départemental par intérim (Romans est en Haute-Savoie) marche en tête.
Une halte à la ferme du Faysse où est stocké un important dépôt de vivres et de matériel permet aux hommes de s’équiper et de se ravitailler.

L’altitude est plus basse, la neige a presque disparu. A midi, c’est l’arrivée à la Ferme de La Montagne, au sud-ouest de l’Abergement de Varey. Trois jours d ‘alerte et de retraite ont épuisé les muscles mais non affecté la volonté. Chabot a toutes les raisons de se croire en sécurité pour quelques jours. Aussi avant le repos se consacrent-ils avec courage à l’installation ou aident-ils intin à la cuisine. Le poste de commandement doit fonctionner dans la minimum de temps.

Aussitôt après le repas, Breton, inlassable s propose comme volontaire pour le ravitaillement. Chabot et Maxime partent reconnaître les postes de garde à occuper. Quelques minutes à peine se sont-elles écoulées qu’un détachement allemand les surprend et les attaque. Blessé d’une balle au talon, Maxime se replie sur la ferme pour donner l’alerte. La retraite coupée, Chabot réussit à gagner le bois.

À l’intérieur, la situation est critique. En quelques instants, elle devient désespérée. Sur trois faces, 250 à 300 Allemands sont en position et déclenchent un feu meurtrier. Les rafales font sauter les fenêtres. Les grenades éclatent. La surprise est totale. Pour se porter aussi vite à l’attaque, les Allemands sont renseignés. Ils savent qu’ils tiennent le groupe d’État-Major et n’auront pas de répit tant qu’il n’aura pas été anéanti.

Celui-ci est pris mais ne songe pas à se rendre. Maxime a distribué les postes de défense. Les gars ripostent aussitôt. Le capitaine Paul, très flegmatique, a obstrué une fenêtre avec un matelas, ménageant un créneau; et aussi tranquillement que dans une baraque foraine il tire avec sa Winchester.

Ils ne sont pourtant pas un contre dix! Les Allemands vont donner l’assaut et ce sera la fin. Ils font une débauche de munitions. Un mortier en batterie sur la route de l’Abergement de Varey à Nivollet ébranle la maison. Avant que ses camarades ne soient mis hors de combat, Maxime décide de briser l’encerclement par une brusque sortie. Il hurle:
« Aux armes! » et les hommes se précipitent. Le bois est à deux cents mètres, le pré est balayé par le feu.

Quelques-uns arrivent à passer. Une dizaine de défenseurs se déploient,s’accrochent à la ferme et tirent.
À tout prix ils veulent se venger. Chabert abat le capitaine; le lieutenant tombe, puis un milicien et des soldats de la Wehrmacht.
Mais leur position est intenable. Par bonds successifs ils poussent vers le bois.

Une même rafale a cloué au sol Lesombre, chef du groupe-franc de protection,Julien Roche et Dachaud. Puis Tataz, Fougerad, Radio II, Pare-Choc tombent.Tintin, Labonne et Murier ont été tués avant de sortir. Parmi ceux qui échappent, Ludovic, Marc et Alex sont grièvement blessés.

Ce n’est qu’au soir que les rescapés parviennent à se regrouper. Les pertes sont cruelles: sur un effectif de vingt-deux hommes, dix sont tués et trois en danger du fait de leurs blessures1.

Le sous-lieutenant Louis Tanguy (Lesombre) était de Saint-Brieux; Julien Roche, de Bourg; le sergent André Dachaud, de Mandeure (Doubs); Arbaretaz Georges, de Saint-Claude; Maurice Fougerad, de l’Isère; Maurice Palisson (Pare-Choc), d’Oyonnax; Perrin Georges (Tintin), de Bourg; Marmier Charles (Murier), de Magneneins (Isère). Arbaretaz, Fougerad, Palisson et Marmier étaient des anciens du camp des Granges.

Chabot et Xavier ont disparu. Achevés par les nazis, les morts sont restés à la ferme dont le propriétaire est abattu. La neige recouvrira les uns d’un lourd linceul tandis que les flammes carboniseront les autres.

Une nouvelle retraite commence. Le chemin est long, triste. Anéantis par la fatigue, les hommes remontent vers le nord. Les blessés souffrent du froid. Alex a été soigné par M. Grumot, épicier à l’Abergement; Marc supporte sa blessure avec calme. Mais Ludovic qui a le dos arraché est épuisé. Durant des heures et

des heures le capitaine Paul le porte, le traîne. Ils marchent sans répit. À peine sont-ils blottis dans un grangeon qu’ils doivent s’enfuir à l’arrivée des patrouilles.

À Saint-Jérôme enfin ils peuvent prendre quelque repos. Paul a caché Ludovic dans le four communal et ce n’est que le sixième jour que le docteur Le Tessier pourra monter auprès du blessé que M. Pettini, de Jujurieux, conduira malgré les barrages jusqu’à Bourg.

Après bien des péripéties, le commandant Romans qui accourt de Haute-Savoie avec Elisabeth, agent de liaison de Xavier, reprend contact d’abord avec son état-major réfugié dans le moulin de M. Paravier, de Boyeux-Saint-Jérôme, puis avec Xavier et Chabot, tous deux indemnes.

Cette expérience démontrait que le P.C. pris dans une zone d’opération, obligé lui-même de se camoufler et de se défendre, n’était pas en mesure d’assurer son fonctionnement. Dans l’intérêt général il apparaît comme désirable qu’il échappe à toute attaque. Loin des unités et des opérations, il sera mieux à même, dans une tranquillité relative, d’envisager objectivement la situation et d’y remédier en coordonnant les différentes activités.

Un point de repli est fixé en Bresse. Quittant Boyeux, le groupe, après s’être reposé chez Pierlot, à Jujurieux, franchit la route d’Ambérieu. Il est désormais hors du secteur dangereux.