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Insurrection: Témoignage Urbain Colletta

5 juin 1944 à 14 heures 30 – Lycée Lalande – Témoignage – Urbain Colletta

Salle de permanence au niveau de la cour.

Nous venons de terminer l’épreuve de physique du baccalauréat et on commence à nous distribuer les épreuves de sciences naturelles.

De la cour, des éclats de voix nous parviennent, la porte s’ouvre brutalement laissant apparaître un grand gaillard de milicien, le chef de la Milice, ce Dagostini, revolver au poing s’écriant “sortez ou je vous brûle !”. Nous abandonnons notre place et sortons calmement. Un candidat, passant la porte reçoit une gifle magistrale ! Cet élève, arrivé récemment dans l’établissement, nous l’avons à nouveau en tenue de milicien e séjour à l’hôtel de l’Europe où nous étions retenus prisonniers !

La nuit du 5 au 6 juin, nous l’avons donc passée debout, face au mur, subissant des brimades, dans une chambre d’un hôtel de Saint-Amour, pendant que des milliers de combattants tombaient sur les plages de Normandie. Un milicien m’a “emprunté” ma montre et le stylo plume prêté par mon frère en vue de l’examen. On nous avait apporté un broc d’eau qui ne nous a pas désaltéré très longtemps : un jeune milicien, en passant près de nous, le renversa d’un coup de pied.

Conduits à 6 heures du matin, nous repartons en car pour Bourg. Au cours du trajet, Pierre Figuet, (je ne me rappelle plus les termes exacts), essaye de nous dire que nous n’avons rien fait et que nous serons bientôt libérés.

« Toi, le chef de sizaine », et les coups de schlague s’abattent sur son dos avec une violence inouïe, occasionnant des séquelles qui dureront longtemps.

Nous nous arrêtons devant la préfecture où nous apprenons le débarquement. Nous resterons la journée dans le car, épluchant des pommes de terre l’après-midi, et le soir nous arrivons devant l’hôtel de l’Europe où un maçon est en train de murer les soupiraux.

Nous descendons dans la cave où nous pourrons dormir sur des « fagots », voyant arriver chaque soir de nouveaux prisonniers. L’un d’eux, enchaîné dans le couloir, y restera, et le lendemain, le sous-chef de la Milice vient nous prévenir en des termes dont je ne me souviens plus, que « cette nuit, un prisonnier qui a essayé de s’évader a été abattu, avis aux amateurs ! ». Ce chef, d’ailleurs, a été condamné à mort par la suite.
Et le 23 juin, nous partions pour la Haute Silésie.

Urbain COLLETTA