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Frühling Roissiat Répression

Roissiat 16 avril 1944Liste des Déportés

Raymond Chambard

Le seul sur dix de Roissiat a être rentré des camps de déportation (16 avril 1944 – 18 juin 1945) Depuis son retour de déportation, il n’avait eu de cesse de penser à ses neuf copains décédés dans les camps. Très discret sur cette cruelle période de sa vie, le 29 avril 2007, à l’issue de la cérémonie au monument des déportés à Roissiat, Raymond raconte : « Pourquoi eux et pas moi ». Arrêtés à Roissiat,le 16 avril 1944, dix jeunes gens de Roissiat sont conduits vers les camps de la mort. « Dans les wagons à bestiaux de ce train qui nous emmenait à Buchenwald, il faisait très chaud, on devait se déshabiller, rien à manger, ni à boire (on se mouillait les lèvres avec notre urine) : à notre arrivée, nous nous sommes tous jetés sur des baquets plein d’eau : on a bu, on a bu, comme des vaches.Avec Vincent et les autres copains nous travaillons dans une carrière : de gros cailloux sur le dos, 118 marches à monter. Je tombe malade, plus de 40° de température : je suis conduit à l’infirmerie, rien pour soigner, mais au moins j’avais à manger. Vincent eAlbert viennent me voir (je leur donne du pain) … Le lendemain, des cris, des hurlements : j’entrouvre un volet … Des enfants juifs hongrois, tous tués, puis ils sont jetés dans une remorque. L’horreur. Je pleure.Je rejoins au bout de quelques jours Vincent, les copains … Je suis encore faible : au lieu d’aller à la carrière, je vais à l’usine … Et là je suis sanctionné : on m’envoie en « commandos ». Le plus dur est de quitter Vincent, mon frère (comme il répète souvent), les copains. C’est le premier dimanche d’août 44 que les SS viennent me chercher. On pleurait comme des gosses, criait « Vive la France », chantait La Marseillaise.Sur le quai de gare à mon arrivée à Alsat, le Führer de la carrière nous attendait : aïe, il a le pistolet facile. Je travaille dans une usine (j’ai fait du sabotage). On nous déplace plusieurs fois … Langensalza, Alsat.Je passe sous silence, tous les coups reçus, des copains battus à mort, chaque fois que l’on a pleuré en voyant des copains mourir, on nous faisait dormir la tête en bas … Le jour de Noël je suis battu, battu, à cause d’un bout de couverture que j’avais … Depuis, chaque Noël pour moi n’est plus un jour de fête.On nous ramène à Buchenwald, à pied, trois jours …Un SS lance son chien contre moi car j’avais les mains dans les poches et l’on ne devait pas passer devant eux ainsi. Plus rien à manger. A l’arrivée, je cherche aussitôt mes copains, plus aucun n’est à Buchenwald. J’apprends que Vincent a été envoyé dans les mines de sel : ce n’est pas bon signe. Je ne les ai jamais revus.7 avril 1945, on repart de la gare de Weimar pour Dachau d’où nous serons libérés le 29 avril 1945.Notre dernier voyage avec les Allemands, mais quel voyage. 20 jours sans boire ni manger. Au départ 6 000 à 7 000 à l’arrivée 816. 18 juin 1945 : toujours à Dachau, tout nu, plein de poux, avec le typhus, j’ai perdu le sommeil.Le Général Leclerc passe au camp, demande s’il y a des Français, nous a serré les mains « Nous ne reverrons pas la France ! » … certes contents que ce soit la libération, nous sommes cependant tous si faibles. Il réconforte, nous amène une bouteille de Côtes du Rhône, bu avec du sucre : le lendemain je me réveille sans mal de tête, cela m’a peut-être sauvé !On nous change aussitôt de baraque pour un peu de soin, impossible de marcher, j’étais porté par deux infirmières. Les Américains nous ont ensuite emmenés près du lac de Constance en Autriche : j’ai du monter les escaliers à quatre pattes, je pesais une trentaine de kilos.18 Juin 1945 :C’est le retour. En train jusqu’à Lyon par le convoi sanitaire qui est passé à Genève, j’étais tuberculeux. Un gars m’attendait à Bourg pour me ramener à Roissiat. Après avoir déposé des personnes en Bresse, arrivée à Verjon : quel étonnement de voir les maisons brûlées, idem à Roissiat (brûle du 18 juillet 1944). Je n’ai pas pu aller voir notre atelier brûlé avant quelques semaines.Aujourd’hui encore, chacune de mes nuits est habitée par ces horreurs, ces atrocités. Et, le plus dur à vivre a été ce retour, SEUL, sans mes neuf copains, sans Vincent. »Ceci n’est qu’un résumé succinct des paroles de Raymond.Le 23 décembre 2007, à 87 ans, Raymond a rejoint ses copains. Une plaque a été apposée en sa mémoire au monument des déportés à Roissiat, près de ses copains.Noms de ses copains (il n’aurait pas souhaité que l’on parle de lui sans les nommer) : Charvet André, 22 ans Donjon Auguste, 33 ans Donjon Robert, 25 ans Feuglet Armand, 22 ans Martin Albert, 23 ans Molière Max, 22 ans, Poncet Jean, 20 ans Selles Vincent, 23 ans Tournier Maurice, Robert ?, 21 ans. Donjon Robert a été arrêté à Verjon, Martin Albert, Jean Poncet,et  Max Molière  à Courmangoux.Liste actualisée des Déportés arrêtes à Roissiat : Raymond Chambard, 24 ans, Matr. 49856,, rentré, Charvet Adrien, 21 ans, Matr. 49584, non rentré Coeur Edmond, 19 ans, Matr. 49600,, non rentré, Deschamp Gilbert, 23 ans, Matr. 49771, rentré le 15-04-45, Donjon François, 25 ans, Matr. 49694, meurt à Buchenwald, Eynard Etienne, dit Hervé, 26 ans, Matr.49770, rentré le 23-05-45, Feuglet Armand, 21 ans, Matr. 52111, meurt le 02/07/1946 à Weimar (Allemagne) Lerner Louis, 20 ans, Matr. 49798, rentré le 11-04-45, Perdrix Hippolyte, 21 ans, Matr. 49974,  meurt le 08/05/1945 à Bremen (Allemagne), Selles Vincent, 23 ans, Matr. 49838, meurt  le 09/01/1945 à Buchenwald (Allemagne), Tisseul Lucien, 20 ans, Matr. 51589, non rentré. Tournier Robert (confusion avec Maurice ?), 21 ans, Matr. 49411,meurt le 31-01-1945 à Buchenwald.