Echallon: 9 avril 1944
deux tués, 4 fermes détruites (2 lac Genin).
A 9 heures – Lundi de Pâques – Échallon par Urbain Colletta.
Avant veille de mes 20 ans
Le hameau du Crêt à Échallon est cerné par les troupes ennemies, impossible de s’enfuir.
Toutes les maisons sont fouillées, deux miliciens sous uniforme allemand m’interrogent pendant la fouille de notre maison par d’autres soldats. Je leur présente ma carte d’identité et mon autorisation de sortie du lycée.
– Y a t-il des maquis par ici ?
– Non, je n’en ai jamais vu.
– Et (ils prêchent le faux pour connaître le vrai) le jeune qui est ici un peu plus loin, le connaissez-vous ?
– Non, je connais le fils de l’instituteur qui est avec moi au lycée.
– Vous savez, il faut nous dire la vérité sinon on vous fusille. J’avoue que je n’ai pas eu peur du tout, mais lorsque j’ai appris le soir que le cantonnier d’Échallon avait été abattu et qu`un réfractaire au S.T.O. avait été fusillé à Belleydoux, j’ai eu une frayeur rétrospective.
On m’amène sur la place du hameau, aujourd’hui Place de la Résistance, où dans le grenier de l’hôtel tenu par trois grandes résistantes, sont entreposés des cartons d’exemplaires du journal “Bir Hakeim”.
Je dois attendre là, sous la garde d’un soldat allemand, ou peut être autrichien, mitraillette sous le bras. Mon père, témoin, assiste à la scène en faisant mine de graisser les axes de roues d’un char.
Les deux miliciens s’éloignent puis disparaissent.
Mon gardien, par pitié peut-être devant ce gamin de 20 ans que je suis et connaissant sûrement ma destination me fait discrètement signe de partir. Je rentre à la maison en attendant le départ de ces indésirables.
Deux soldats sont encore là. Le premier demande à ma mère de lui vendre des œufs. Elle s’exécute et lui fixe le prix. Il les trouve trop chers et s’exclame “soldat allemand, cinq ans de guerre”. Je ne me souviens plus s’il les a payés. Le second, ramoneur dans le civil, réclame de la soupe. Il n’aura pas le temps de terminer ce « repas », interrompu par un coup de sifflet annonçant le rassemblement en vue du départ.
Nous sommes enfin débarrassés, la troupe regagne à travers prés la route de la vallée de la Semine pour rejoindre Belleydoux. Elle passe à 300 mètres du hameau, devant une ferme isolée où Marcel Joux, réfractaire au S.T.O. est venu se cacher après avoir quitté sa maison natale, située à 2 kilomètres. II est emmené sans ménagement et son cadavre sera retrouvé quinze jours plus tard dans la forêt, le long de la route de Belleydoux – Oyonnax.
Une stèle commémore cette disparition et si mon nom n’y est pas inscrit, c’est que j’ai eu beaucoup de chance. Je le dois à ce soldat allemand ou autrichien compatissant, qui connaissait notre destination (les camps de la mort).
Deuxième chance : J’ai retrouvé quelques jours après, dans la poche de la veste de mon père que j’avais revêtue ce jour là une feuille de “La Voix du Maquis”. Si j’avais été fouillé, j’étais perdu.
Urbain Colletta (Lycée Lalande)