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Repli du camp Michel et du camp de Triage de Lacoux à Emondeau

Témoignage de P.G. Jeanjacquot

À Lacoux, le Centre de Triage et le camp Michel n’ont pas fini de sécher leurs vêtements qu’arrive déjà la notification du départ. Montréal signe alors l’ordre de repli du camp  Michel et du camp de Triage de Mystère sur Chatonnaz, au nord-ouest d’Oyonnax.
Gaby, escorté de La Bulle, Becquet et Charly est chargé de l’exécution. Les gars les accueillent sans mauvaise humeur et bientôt ils se glissent dans le froid plus vif depuis que la tempête s’est apaisée.
Dirigée par le Chef de Secteur, la colonne se forme et s’allonge. Dans l’atroce nuit d’hiver la marche reprend, lente, pénible, effrayante.

Là-bas quelques lumières brillent peureusement. Ce doit être la ville. Quelques-unes aussi, tout près. Des maisons, Geilles. Bientôt ils auront franchi la première étape. La ville! des maisons, des rues! Ils en ont perdu le souvenir, eux, les hommes des bois. Les cœurs battent au rythme de la fièvre qui les ranime.

À ’entrée du Grand-Moulin se distinguent les premières maisons d’Oyonnax. Les rues sont dégagées. Mais le verglas accentue d’autant plus le déséquilibre des corps que l’élan des muscles a été jusqu’alors bloqué; et cette sensation d’insécurité se révèle plus pénible que l’emprise de la neige.

En file serrée les gars suivent la rue Diderot, puis la rue J.-J. Rousseau et longent la vaste façade de l’École Nationale des Matières Plastiques.

Silencieusement ils se faufilent au cœur de la ville, sans hâte. Rue Léva, étendu sur du foin, Montréal attend l’ arrivée de la colonne qu’il dirigera.……Les premiers ont déjà dépassé la Croix de Veyziat et s’enfoncent dans le petit chemin de Chatonaz. À nouveau ils s’enlisent dans la neige. Qui donc à cette époque de l’année penserait emprunter de telles routes?…
Petit à petit la fatigue annihile toutes les facultés. L’abrutissement se fait total.
Bref, deux nuits consécutives les ont amenés — et dans quelles conditions! — de Nantua à Dortan.
Mais ils reprennent courage. Car dans une heure ils pourront dormir, dormir enfin dans la paille.
Sur le plateau, le vent du nord siffle et transforme les vêtements en glaçons.
Le ciel semble blanchir. L’aube ne tardera pas à se lever. Ils ont atteint un secteur tranquille: l’ennemi ne les trouvera plus…