Une idée folle : traverser la Manche en kayak pour retrouver de Gaulle. Pascal Lemeland et son frère le construisent dans la cour de la ferme occupée par les Allemands, à Huberville (Manche). Mais les premiers essais en mer les contraignent à abandonner. Cependant Pascal est déterminé. Alors, lorsqu’en 1943, il est convoqué pour le STO… avec son ami Louis Bertaux, il prend tout de même le large.
Le 8 juin 1943, les deux Normands sont en gare de Morez où un « industriel » les attend. Ils passeront l’été aux Rousses. Paysans, ils se retrouvent avec bonheur à faire les travaux des champs et fraternisent vite avec leur hôte et sa famille. Puis ils logent dans une ancienne colonie de vacances. Ils seront aussi à Longchaumois.
Sans doute au début de l’hiver, ils descendent à Chilly-le-Vignoble où des maquis importants sont installés. Là, leur groupe, est chargé du ravitaillement. Alors, ils sillonnent la campagne pour trouver tout ce dont le maquis a besoin… Un jour d’ennui, ils gravent leurs initiales PL et LB sur la poutre de la cheminée de leur maison.
Dix jeunes martyrs: Début février 1944, ils ont l’autorisation de passer quelques jours de permission à Huberville. Ils racontent leurs combats contre l’occupant. Leur premier auditeur est le jeune Roger Glinel, dix-sept ans, qui voudrait bien, lui aussi, jouer dans la cour des grands.
Cela ne fait que trois ou quatre jours qu’ils sont en pleines réjouissances familiales quand ils reçoivent l’ordre de rentrer à Chilly. Ça Chauffe ! Roger Glinel est du voyage.
A peine arrivés, les trois Normands, avec leur groupe, sont en action. Entre autres, ils dérobent un camion-citerne de trois mille litres d’essence. Le carburant est précieux pour les interventions à venir. Alors, ils se cachent à Alièze dans une ferme inoccupée que Mme Vuillet met à leur disposition, aux Rippes.
Le 7 mars au matin 1944, avec leur chef « Jacques », quatre membres du groupe descendent à Lons. Ont-ils été repérés ? Dénoncés ? Ils sont assaillis par la milice et faits prisonniers. Seul le chef réussit à s’enfuir sans pour autant rejoindre les Rippes.
Les quatre autres sont interrogés, torturés.
À Alièze, Pascal Lemeland a pris le commandement. Il attend le retour des compagnons qui tardent un peu trop. Alors que la nuit est tombée, ce sont les véhicules des miliciens que voient arriver les trois Normands et leurs deux autres amis. Hurlements. Coups de feu. Les jeunes maquisards ne cèdent en rien aux miliciens lédoniens. Si bien que ces derniers font appel aux Allemands. Ils sont vite là et attaquent cette fois avec des grenades incendiaires. La maison flambe. La citerne d’essence explose.
Pour intimider les résistants, les Allemands ont amené avec eux les quatre camarades torturés qui assistent, impuissants, au drame.
Sont-ils encore tous vivants, lorsqu’ils décident de se rendre faute de munitions ? Mains en l’air, les jeunes maquis sortent de leur refuge en flammes. Pas de quartier : Allemands et miliciens les exécutent un à un. Les prisonniers subissent le même sort. Tous sont jetés dans le brasier.
Le lendemain 8 mars, en pleine nuit, un groupe d’hommes débarque au presbytère d’Orgelet. Il exige du curé des funérailles religieuses pour le corps calciné, mais qui a encore forme humaine, qu’il apporte avec lui sur une civière. Il sera exposé dans l’église d’Orgelet et une foule importante, venue de tous les cantons, défilera autour de ce corps en hommage aux dix jeunes martyrs. Mme Vuillet et son fils seront arrêtés et envoyés en déportation.
Les victimes : Bertaux Louis, Collard Marius, Glinel Roger Alfred René, Goetz Pierre, Lemeland Pascal, Loullier Louis, Mandrillon Raymond, Meunier Étienne, Michel Emmanuel, Sardelly Yves.