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Accrochage Hauteville – les carrières

Jean Feltin

Carrières d’hauteville le 12 juillet

La Compagnie Feltin s’est formée à partir d’éléments de l’AS (Armée secrète) d’Hauteville-Lompnès, de jeunes du plateau et d’ouvriers de la vallée de l’Albarine.

Au début de juin 1944, cette unité, qui compte une trentaine d’hommes, est placée sous les ordres du lieutenant Léon Feltin qui a participé en tant qu’officier à la Première Guerre mondiale. La compagnie est partie intégrante du groupement Sud sous les ordres d’Henri Girousse, “Chabot”.

Elle devient opérationnelle après le débarquement du 6 juin et place des barrages routiers dans le secteur d’Hauteville-Lompnès et le Valromey proche. La réaction de l’ennemi ne se fait pas attendre et, le 22 juin, au col de la Lèbe, les hommes de Feltin doivent résister à l’avancée allemande aux côtés des compagnies Louison, Verduraz, Lorraine et Michel. Les troupes allemandes se replient alors sur Artemare.

 

En juillet, lorsque la dernière grande attaque allemande est lancée contre les maquis de l’Ain, la compagnie Feltin et la 5e compagnie FUJP (Forces unies de la jeunesse patriotique) ont pour mission de tenir le col de la Lèbe et d’interdire la route Hauteville-Lompnès – Corlier pour retarder aussi longtemps que possible l’avancée de l’ennemi. De violents combats se déroulent les 12 et 13 juillet 1944, notamment aux carrières d’Hauteville-Lompnès, où le lieutenant Léon Feltin trouve la mort.

Lors de ces combats sont également tués :
– René Feuillant, domicilié à Bourg-en-Bresse et Fernand Bertillot, membres de la 5e compagnie des FUJ, tués au combat des carrières d’Hauteville, le 12 juillet 1944. .
– Henri Besson, domicilé à Argis, maquisard à la compagnie Verduraz, il est arrêté aux carrières d’Hauteville, torturé et abattu par les Allemands le 15 juillet 1944.

Carrières d’Hauteville
La section FUJP commandée par Pratini, répartie par petits groupes, prend position aux car­rières d’Hauteville. Elle couvre la quasi-totalité de ces vastes carrières faites de trous, de tas de pierres, où rien ne dissimule le terrain de la vue des avions de reconnaissance allemands. Les abords des carrières sont également occupés par des hommes de la compagnie Feltin.

Jusqu’au 11 juillet, les hommes patrouillent. Quelques-uns des membres de la 5e compagnie FUJP témoignent :
“Dans la soirée du 11 juillet, Jean Couard, “Pat”, donne l’ordre à Jean Plancheron, “Toto”, de partir avec trois hommes en reconnaissance dans les bois environnants leurs positions (Saint-Sulpice), “Mitraillette à l’épaule, nous partons en file indienne”, raconte “Toto”, “sans prendre trop de précautions. Tout à coup, sur notre droite, tout près, nous apercevons des signaux lumineux : “Ça y est”, dit-il à ses hommes, “nous sommes repérés”. Quelques minutes s’écoulent, mais pourquoi ne réagissent-ils pas, aucun coup de feu n’est tiré, aucune sommation ?”
Ce n’est que le 12 au matin que les maquisards comprennent la réaction des Allemands lors de leur patrouille.
En effet, c’est le 12 juillet qu’ils déclenchent une grande offensive sur le plateau d’Hauteville où ils sont certainement infiltrés depuis quelques jours : “Si les Allemands avaient tiré sur notre patrouille, ils risquaient de compromettre leurs objectifs.”
Le lendemain, le 12 juillet au soir, “Pat” reçoit l’ordre de repli avec sa section au complet vers Arandas, par l’intermédiaire de leur agent de liaison Reydelet, “Olive”.

Anatole Giroud, “Totol”, explique la journée du 12 juillet 1944 pour lui et ses camarades de combat. En position dans un trou protégé par des pierres, ils ont ordre de décrocher si une fusée rouge est tirée du côté de Nantuy (lieu du PC de la 5e Cie FUJ) :
[…] les Allemands attaquent de toutes parts, on riposte avec nos faibles moyens, ceci pendant quelques temps. Puis là-bas, la fusée de repli. Il faut partir, à quelques mètres de nos positions, le lieutenant Feltin ouvre le feu avec nous. Il sera tué peu après.
Notre chef de groupe décide alors le repli, il faut rejoindre un petit bois situé à une distance assez importante : les Allemands nous canardent, par petits bonds nous progressons vers notre but. Nous sommes entourés de grosses pierres, ce qui nous permet de nous mettre à l’abri et de souffler un peu. Nous continuons à progresser, on s’aperçoit que Feuillant n’a pas suivi, il est resté derrière la dernière pierre, pourquoi ? Nous ne le reverrons plus, il est mortellement touché.
Nous arrivons vers la route qu’il faut à tout prix traverser. D’un seul bond, tous ensemble, nous nous retrouvons de l’autre côté. Les Allemands, surpris, n’ont pas eu le temps de réagir, nous étions à l’abri de l’autre côté de l’obstacle. Ils tirent, trop tard pour eux, le macadam vole en éclats. Nous prenons la direction d’Aranc et ce fut la dispersion.
Vaincus, nous étions fatigués, dépités. Certains rentrèrent chez eux, certains rejoignirent une autre formation et le reste retrouva son unité, la 5e Cie FUJ, un peu plus tard.”

Un autre témoignage, celui d’Armand Pauget, “Bitton”, de la section Pratini :
“Après avoir aidé à la mise en place du FM (fusil mitrailleur), chacun de nous aména­gea son propre emplacement et abri. Au début de la matinée du 12 juillet, les Allemands passèrent à l’attaque : l’ensemble de la section riposta, mais devant le déluge d’obus de mortiers, de rafales de mitraille qui faisait ricocher les cailloux tout autour de nous, nous recevions l’ordre d’abandonner nos positions. Malgré les tirs ennemis, nous avions pu regagner les arrières.
Nous croyions trouver un passage, mais hélas c’était le vide. Il fallut retourner sur nos pas pour s’engager dans une autre trace. Après quelques dizaines de mètres, je me trouvais devant un emplacement qui avait été sérieusement piétiné depuis quelques jours. Un imperméable vert-de-gris traînait encore sur le sol. En examinant de plus près, je m’aperçus que de cet endroit, on avait une vue parfaite des carrières. Les Allemands devaient connaître nos positions, notre arme­ment et nos effectifs…”

Le témoignage d’Armand Pauget s’apparente à celui de Jean Plancheron, blessé à Hauteville :
“Le 12 juillet 1944, participant au groupe Nallet, “La Pomme”, section Pratini, nous étions en position de défense dans un trou d’eau. Il était un peu plus de 8 heures quand j’aperçois un Allemand qui nous observait. Ma première réaction fut de tirer, Ardito avec son FM en fit autant. La riposte ne se fit pas attendre, une puissance de feu très supérieure à la nôtre, mortiers, automitrailleuses, etc. et nous un FM et un fusil. Devant ce déluge de feu, Nallet ordonna le repli. Les uns derrière les autres nous atteignions les wagonnets qui nous servaient d’abris, les balles ricochèrent, d’autres sifflèrent au-dessus de nos têtes et allèrent se perdre dans les buis­sons et les cailloux environnants.
Après quelques minutes, mes cinq camarades quittèrent ce lieu. Que s’était-il passé ? Est-ce la peur, au lieu de les suivre, je restais planté là ! … Il était environ midi, quand je me décidais enfin à partir. Une rafale de FM me cloua sur place, ma jambe droite me faisait mal. Je me traînais péniblement vers un bois sous une pluie de mitraille. Il fallait pourtant l’atteindre. En principe, les Allemands n’entraient pas dans les forêts. Malgré la souffrance, je réussis et pris le temps de regarder les dégâts de la balle du FM. Elle avait atteint mon genou gauche. Après ce triste constat, je pensais à mes cinq cama­rades de combat, qu’étaient-ils devenus ?”
Seul, blessé, perdu, Jean Plancheron trouve difficilement du secours auprès de la population.

Hubert Herbépin témoigne également :
“Nous prenons position aux carrières d’Hauteville. Dans la nuit du 11 au 12 juillet, nous organisons notre défense. Au matin du 12 juillet, l’alerte fut donnée par le Lieutenant Feltin (hors FUJ) qui était en position un peu plus avancée. Après deux heures sous les bombardements de mortiers de 77, notre groupe se trouvant près de la route de Tenay à Hauteville, Nallet, “La Pomme”, nous donna l’ordre de repli. Je restais un peu pour protéger mon équipe. Au bout de quelques minutes, à mon tour, je partis pour rejoindre mes camarades. Arrivé à un petit mur, je ne trouvais personne. Je pris la direction de Brénod, je me joignis à un groupe de maquisards qui se trouvait là.
Le 13, nous sommes à nouveau attaqués par les Allemands et ce fut à nouveau la débandade. Bloqués pendant deux jours, une mitraillette pour six, je prenais la direction de Brénod avec deux gars de Bourg, du Mont et de l’Avocat.
Après quelques jours passés avec une équipe du groupe Michel, j’appris que le PC de “Romans” était à Aranc. En arrivant, j’appris que la 5e Cie FUJ était à Cléon. Je retrouvais ma compagnie avec joie. Malheureusement j’appris la triste nouvelle : mes trois copains Aimé Bon, “Signol”, René Magdelaine, “Boby”, et mon chef Nallet, “La Pomme”, avaient été faits prisonniers et fusillés le lendemain à Chevillard.
De source officielle, j’appris également que mes deux frères avaient été fusillés à Thézillieu le 23 juin.”

Ces témoignages montrent bien que les FUJP qui ont, à Bourg-en-Bresse, de nombreuses actions réussies à leur actif entre 1943 et le débarquement, manquent d’expérience militaire, sont peu armés, instruits et encadrés.
Combattant dans un terrain accidenté face à des troupes aguerries, ils perdent quatre hommes dans ces combats inégaux.