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Caporale Repli du Camp Michel de Pray Guy au Centre de Triage

Le 5 février 1944, le camp Michel tient tête aux Allemands, sans autres pertes. Les éclaireurs skieurs allemands n’ont pu s’infiltrer et déborder les maquisards.
Michel ordonne le décrochage, la ferme de Pray-Guy est abandonnée.

Michel a reçu de Montréal des ordres précis à appliquer en cas d’ attaque massive. Ils se résument ainsi: résister vigoureusement et dans la mesure des moyens propres jusqu’au soir; décrocher et franchir dans la nuit, de vive force si nécessaire, la route N. 84 Bellegarde-La Cluse; faire jonction au Mont avec le Centre de Triage où il y aura des vivres et des nouvelles consignes.
Aprés avoir crapahuté dans plus de 80 cm de neige, les hommes du camp Michel rejoignent le soir même le camp de Triage au-dessus de Nantua. Harassés de fatigue, les hommes peuvent enfin se reposer.

Pierre G. Jacquot nous dit:
“À 22 heures Michel donne l’ordre de repli. Sac au dos, chargés de leurs affaires personnelles, du ravitaillement, de tout ce qu’ils peuvent sauver, les gars du maquis disent un dernier adieu à cette ferme où ils ont vécu quarante-quatre jours bien remplis et que, de toute évidence, ils ne reverront plus.

C’est le décrochage. Opération délicate dont la fierté du soldat repousse l’idée mais à laquelle il faut se résoudre car si elle réussit, elle permettra au camp de briser le cercle qui l’étreint. La colonne part, en file indienne, éclaireurs en tête dans quatre-vingts centimètres de neige fraîche tombée depuis quarante-huit heures. Deux hommes soutiennent Ritoux épuisé. Les Allemands n’ont pas atteint le nord, la colonne s’infiltre et descend à travers bois en direction de la route de Bellegarde. La journée a été harassante, les oreilles bourdonnent encore du fracas des armes. Pas à pas elle atteint difficilement les abords de la route; tous les dix mètres les hommes glissent et s’affalent. C’est le moment critique. Les patrouilles doivent être actives dans ce passage dangereux.

Paul et Bébert, les deux éclaireurs, sondent le passage. Par bonds les groupes traversent et se lancent dans le talus. Puis c’est au tour des derniers placés en protection.

Pas d’accrochage. Quel soulagement! car la fatigue qui se fait cruellement sentir ne permettrait pas une défense efficace. La colonne s’est reformée, elle gravit la montagne vis-à-vis de celle qu’elle vient de descendre. Dans les ténèbres, l’escalade absorbe les dernières ressources de la vitalité. Grinçant des dents, fous de rage, les hommes s’enlisent dans la neige qui prend les jambes plus haut que les genoux et en une masse lourde tombe des branches sur la tête et les épaules. Le froid n’arrive pas à dissiper la moiteur des corps essoufflés et glace les oreilles. Chaussé de souliers de football, Michel conduit la colonne.

Noyée peu à peu dans le gouffre béant du cerveau vidée de sa substance par l’effort prolongé et dont le vide donne le vertige, la pensée ne s’accroche plus qu’au souvenir des camarades restés au Monthoux. Ce sont les premiers…
Et ils montent vers le Mont (ferme du Mont – Camp de Triage) qu’ils regardaient depuis l’embuscade. Mais ils n sont pas perdus, les gars du Maquis. Ils savent où ils vont et qui les attend. Ils sont en dehors du cercle infernal. Pour la première fois vous êtes joués messieurs les Allemands, tacticiens de la guerre moderne. Vous ne comprendrez jamais rien à ces fantômes qui vous glissent entre les doigts après vous avoir laissé de cuisantes blessures…”