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Le camp Margaine

Lucien Margaine est de Lyon, où il milite au mouvement Combat. A 24 ans il est recherché par la police et doit s’enfuir le 1er novembre 1942. Il se réfugie près de Dole avec son camarade Pierre Albate de 26 ans, et 5 résistants de la région lyonnaise traqués par la Gestapo, exfiltrés par leur A.S.. Ils s’installe dans un chalet appartenant au diocèse de la ville d’Autun : au lieu dit Le Mont Fier.

Ils se livrent à des activités de « passeurs » entre les deux zones ou avec la Suisse.
Margaine crée des relais de transmission de courriers (boîtes aux lettres actives et passives) avec la participation notamment de l’Abbé Barthelet, d’Ulysse Baud,
restaurateur et adjoint au maire, de Claudius Chevassus cultivateur, tous de Prémanon mais également de Lucien Barnéaud de Lamoura, de Jean Grofilley fromager à Saint-Claude, de Meylan horloger aux Rousses…
Margaine accueille ainsi par ses relais à Prémanon et Lamoura, au printemps 1943 les premiers groupes de réfractaires, venant du Jura, mais aussi de tous les coins de France.

En place à la ferme du Mont-Fier, le groupe s’étoffe, mais chacun est inspecté avant d’être intégré. Ils sont neuf le jour du 14 juillet 1943. Le groupe est contrôlé par l’A.S. de Saint-Claude.
Le ravitaillement du Camp Margaine est assuré par les cultivateurs des alentours, le boulanger de Lamoura, Charles Gruet-Masson (secondé par son frère Georges), le fromager en gros Jean Grosfilley (et sa famille) de Saint Claude et bien sûr,  par « la Fraternelle » de Saint Claude.
Le curé des Rocolonnie doloise camp Margaineusses, Barthelet, le facteur Pierre Guillaume, Claudius Chevassus des Jacobey, … sont également de solides soutiens.
Le camp de base est établi, au pied du Mont Fier, dans une ancienne colonie de vacances. Ils mènent une vie rude, avec un ravitaillement précaire et seulement quelques armes de récupération.
A l’automne 1943 ils sont 4 groupes représentant près d’une centaine d’hommes. Ils reçoivent l’essentiel de l’aide des dirigeants de « la Fraternelle de St Claude ».
Malgré le patriotisme et la discrétion de la population, les Allemands sont informés de l’existence des « Terroristes » comme ils les appellent.

Le groupe grandit rapidement, surtout après les événements survenus à Saint Claude (13 mars : manifestation des femmes contre le S.T.O. 14 mars, manifestation musclée contre la Milice). La répression qui s’en suit, pousse de nombreux jeunes menacés à gagner le maquis, et à rejoindre la Résistance, dans le Jura ou en Savoie.
Le Camp Margaine doit s’organiser. Trois sections sont mises sur pied : la section Pierrot (Pierre Albalate), section de commandement cantonnée au « Mont Fier », les sections Harry et Henriot installées aux Tuffes.
Tous sont dans des chalets à l’abri dans les forêts de résineux du Haut Jura.

La croissance des effectifs oblige à se procurer du ravitaillement à l’extérieur de la région. Des produits du Bas-Jura et du Revermont (farine, pommes de terre, …), fournis par des cultivateurs sympathisants, sont transportés bénévolement par les camions de l’entreprise Lacroix de Lons le Saunier. Un camion (gazogène) « réquisitionné » dans la région lyonnaise permet au groupe de mener un coup de main fructueux en gare de la préfecture (crème de gruyère), et de constituer un stock de viande de porc salé dans un chalet. Deux magasins de chantiers de jeunesse, à Bourg et à Crotenay, sont visités et les tenues vestimentaires confisquées permettront au groupe d’affronter les frimas du Haut-Jura.

Mais l’armement fait cruellement défaut à ce groupe relevant de l’A.S. départementale. La visite positive du camp par son responsable (le commandant Foucaud) accompagné d’un agent anglais permet une première attribution d’armes. Le maquis devient enfin efficient et multiplie ses opérations contre l’ennemi.

Les menaces et sa 1ère victime : fin août 1943, un maquisard de la section Harry est grièvement blessé par une patrouille allemande.

Le matin du 26 octobre une compagnie allemande s’arrête à Prémanon. Le maquis est sauvé par l’initiative du jeune fils du facteur, qui court le prévenir. Une embuscade tendue par Margaine blesse un motocycliste et détruit un camion allemand. En représailles, 12 civils seront arrêtés à Lamoura et purgeront plus de 2 mois d’internement à Besançon. Les hommes de Margaine se replient momentanément dans les Forêts-Monts.
Trois groupes se déplacent vers les Jacobeys, en direction de Lamoura et s’installent dans des chalets d’alpage inoccupés de la forêt du Massacre, le quatrième reste « aux Eterpets ».
Le camp Margaine, est maintenant composé de cinq groupes : le Mont-Fier, Les Tuffes, les Jacobeys, Prémanon et Lamoura, rassemblant 80 hommes très mal armés

En cette fin d’année 1943, les Allemands décident de frapper fort pour décimer les Résistants du Maquis opérant dans la zone de Prémanon et Lamoura.
Le 18 décembre ils mettent en place une opération de grande envergure. La stratégie est de les prendre en tenaille et de les anéantir. Des camions emmenant plusieurs centaines de militaires partent de Bourg via Saint-Claude et de Lons via Morez.
Le boulanger de Lamoura, Ch. Gruet-Masson, son commis G. Gruel, un jeune résistant A. Massiera et L Grenard de la Pesse sont arrêtés et fusillés aux Logettes.
Deux Résistants, S. Monnet ( du Service Péricles)et L Brunel sont abattus les armes à la main, alors qu’ils assuraient le repli de leurs camarades, aux abords du Chalet de la Pièce d’Amont à Lajoux. Deux hommes arrêtés suite à cette attaque, C. Chevassus et M. Girod seront déportés. vidéo [1’06”]:Lendemain de l’attaque
Échappant à l’étreinte de l’adversaire, quelques Maquisards rallient des formations du Maquis de l’Ain, les autres réussissent à passer en Suisse où ils sont  internés près de la frontière Autrichienne. Nombre d’entre eux s’évaderont et rejoindront les maquis de Haute-Savoie ou du Bas-Jura où ils continueront la lutte jusqu’à sa phase finale.

Témoignage de François SCHNEIDER

C’est la fin du Camp Margaine. 4 maquisards et deux civils tués. La plupart des hommes passent en Suisse où ils seront arrêtés et emprisonnés. Ceux restés en France intègrent des camps de l’École des Cadres du Service Péricles.

Lucien Margaine parvient à s’échapper, il est nommé par Chambonnet, Didier, chef des Corps Francs de R1. Il est arrêté le 2 mai 1944 et déporté à Dachau.